VIH, VHC : la forte efficacité des SCMR


Quelle est l’efficacité des salles de consommation à moindre risque (SCMR) ? La réponse à cette question est primordiale tant elle conditionne l’extension de cet outil de réduction des risques. De nouveaux travaux parus dans la revue Addiction confirment l’intérêt de ce dispositif dans la lutte contre les transmissions infectieuses (VIH, VHC, notamment) et invitent à renforcer le dispositif existant.

L’évaluation

Il en existe deux actuellement en France : l’une à Paris, la seconde à Strasbourg. Elles ont été déployées en 2016. La Mission interministérielle de lutte contre les conduites addictives (Mildeca) a confié à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) cette évaluation. Pour ce faire, une équipe de chercheuses et de chercheurs de l’Inserm, du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), de l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales), de l’Université de Strasbourg, d’Aix-Marseille Université et de l’Université de Bordeaux, a évalué l’efficacité des SCMR sur la réduction des pratiques à risques — et en particulier le partage de matériel d’injection. Ce travail s’est appuyé sur des entretiens conduits auprès de 662 personnes usagères de substances par injection participant à la cohorte Cosinus.

Le contexte

Chez les personnes qui consomment des substances par injection, le partage de matériel comme les aiguilles ou les seringues est un des principaux facteurs de risque de transmission des virus du VIH et de l’hépatite C, rappellent les auteurs-rices. En France, la mise en place de programmes de réduction des risques liés à la consommation de substances — associée à l’accès aux antirétroviraux des personnes vivant avec le VIH — a fortement contribué à la réduction de la prévalence du VIH chez les personnes usagères de substances. Elle est passée de 40 % en 1998 à 11 % en 2011. Elle est désormais à 1 % en 2021, selon les données de Santé publique France. En revanche, l’épidémie d’hépatite C, elle, reste incontrôlée avec 64 % des personnes usagères séropositives au VHC en 2011. Il est donc très important de comprendre ce que les SCMR peuvent avoir comme effet en matière de partage du matériel d’injection.

Les résultats

Ils indiquent une diminution de 90 % du risque de partage de matériel entre les personnes ayant accès aux salles de consommation à moindre risque et celles ayant accès à d’autres types de structures de réduction des risques. Grâce à des questionnaires, les chercheurs-ses ont pu comparer les données déclaratives obtenues entre les participants-es ayant accès à une SCMR (36 % des participants-es) et ceux-celles ne bénéficiant pas de ce type d’infrastructures, mais ayant accès à d’autres types de structures ou programmes de réduction des risques (64 %). Alors que plus de 25 % des participants-es déclaraient être infectés-es par l’hépatite C, les résultats de cette étude montrent que 1 % des participants-es ayant accès aux salles de consommation déclaraient être susceptibles de partager leur équipement d’injection contre 11 % de ceux n’ayant pas accès à ces lieux. « Cela représente une diminution de 90 % du risque de partage de matériel par les SCMR, a commenté Marie Jauffret-Roustide, chercheuse Inserm (Unité 1276 Inserm/UMR 8044 CNRS/EHESS, Centre d’étude des mouvements sociaux) et co-autrice de ces travaux. Cela montre que « dans le contexte de soin français, ces lieux auraient un impact positif sur les pratiques à risque infectieux de VIH et d’hépatite C », a souligné la chercheuse.

Dépistage du VHC et traitements de substitution

« Aucune différence significative entre les deux groupes n’était visible sur le dépistage de l’hépatite C, ni sur le suivi d’un traitement par agoniste opioïde », note l’Inserm. « Cela peut s’expliquer par le fait que le modèle de soin français permet de proposer désormais systématiquement un dépistage de l’hépatite C dans les lieux de réduction des risques, précise Perrine Roux, chercheuse Inserm, qui co-signe la publication. « De plus, s’il existe un large accès aux TAO dans notre pays, selon notre étude, les personnes qui accèdent aux salles de consommation à Paris sont très nombreuses à utiliser des sulfates de morphine sans prescription, ce qui n’est pas encore considéré officiellement comme un TAO : cela pourrait donner un résultat sous-évalué pour les salles de consommation », ajoutent Marc Auriacombe et Laurence Lalanne, médecins et co-auteurs-rices de ces travaux.

Différence entre SCMR et haltes soins addictions

Les salles de consommation à moindre risque (SCMR) sont aujourd’hui dénommées « haltes soins addictions » (HSA). Elles permettent aux personnes usagères de pouvoir consommer dans de bonnes conditions d’hygiène et de sécurité, avec un accès facilité à du matériel d’injection stérile à usage unique, sous la supervision d’un personnel formé. Les équipes d’accueil de ces structures peuvent orienter les personnes usagères vers les services sociaux et médicaux adaptés. Elles permettent également l’accès aux traitements dits « par agoniste opioïde » (TAO) ou traitements de substitution. Elles offrent aussi la possibilité de se faire dépister sur place pour le VHC. Dans le cadre de la lutte contre l’épidémie d’hépatite C, le gouvernement a mis en place en 2016 pour une durée test de six ans, deux SCMR ouvertes aux plus de 18 ans, à Paris et Strasbourg. Cette expérimentation a été prolongée jusqu’à 2025. Les « haltes soins addictions » pourront être ouvertes dans les locaux des Caarud (Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues) et des Csapa (Centre de soins, d’accompagnement, de prévention en addictologie). Un cahier des charges encadre leur fonctionnement.

Conclusions

Les travaux parus dans la revue Addiction confirment l’intérêt des salles de consommation à moindre risque dans la lutte contre les transmissions infectieuses. Les chercheurs et chercheuses invitent d’ailleurs à renforcer le dispositif existant. « Nos résultats plaident pour l’importance de mettre en place des actions complémentaires à celles déjà existantes, pour mieux lutter contre les transmissions virales au sein de la communauté des personnes qui consomment des substances. En particulier, développer les haltes soins addictions mais également faciliter l’accès à des traitements par agonistes opioïdes plus diversifiés et proposer des prises en charge globales », a d’ailleurs expliqué Marie Jauffret-Roustide, chercheuse Inserm, citée dans le communiqué de l’institut.

La cohorte Cosinus
La cohorte française Cosinus a suivi 665 personnes de plus de 18 ans qui consomment des substances par injection à Bordeaux, Marseille, Paris et Strasbourg, entre novembre 2016 et mai 2018. Les participants-es ont été recrutés-es au sein de programmes de réduction des risques à Bordeaux et Marseille et de salles de consommation à Strasbourg et Paris. Les objectifs de cette cohorte étaient d’évaluer l’impact des salles de consommation à la fois sur les risques de transmission des virus du VIH et de l’hépatite C via le partage du matériel d’injection, sur l’accès au dépistage de l’hépatite C et sur l’accès aux TAO (traitements par agonistes opioïdes). Ce sont les traitements de substitution : méthadone ou buprénorphine, deux opioïdes « à effet prolongé ».

Source : AT


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