Transmission sexuelle du VIH avec une charge virale « presque » indétectable, un risque zéro ?


Au cours de l’infection par le VIH, la charge virale est le gold standard pour l’estimation de la réponse au traitement antirétroviral, l’objectif étant d’aboutir à une virémie quasiment nulle le plus longtemps possible. C’est la condition qui garantit un état de santé optimal, une longévité au diapason et une diminution de la transmission sexuelle du virus. Les données épidémiologiques les plus récentes indiquent que chez une minorité de patients, la charge virale reste détectable (par exemple <1 000 copies par mL), ce qui est certes significatif, mais pas au point de conclure systématiquement à un échec thérapeutique.

La signification clinique et l’attitude à adopter face à ces virémies faibles sont l’objet d’un débat sans fin. Le risque de transmission sexuelle du virus est notamment incertain, au point d’affecter les messages destinés au public. Aux Etats-Unis comme dans d’autres pays à haut revenu, le message undetectable=untransmittable (U=U) définissant le risque zéro correspond à une charge virale < 200 copies/ mL. Qu’en est-il pour des valeurs comprises entre 200 et 999 copies/ mL ? La réponse à cette question est plus controversée.

Une revue systématique et exhaustive de la littérature internationale permet de faire le point sur ce sujet débattu : elle est basée sur les données enregistrées entre le 1er janvier 2010 et le 17 novembre 2022 sur PubMed, MEDLINE, Cochrane Central Register of Controlled Trials, Embase, Conference Proceedings Citation Index-Science et WHO Global Index Medicus. N’ont été sélectionnées que les études traitant de la transmission sexuelle du virus au sein de couples sérologiquement discordants, la charge virale étant connue avec précision. Les articles portant sur le message U-U et l’impact public des virémies faibles ont également retenu l’attention. Ont été exclus les lettres à l’éditeur, les commentaires et les éditoriaux.

Plus de 7 700 couples sérodiscordants

Sur les 244 études identifiées, huit ont été finalement incluses dans l’analyse, regroupant 7 762 couples « sérodiscordants » résidant dans 35 pays. Le niveau de certitude au terme de l’analyse est considéré comme faible, celui de biais apparaissant peu important.                             

Trois études ont conclu à l’absence de transmission du VIH en cas de charge virale < 200 copies/Ml chez le partenaire séropositif. Dans les autres études de cohorte prospectives, ont été dénombrés 323 cas de transmission virale, aucun n’impliquant des patients chez lesquels la charge virale était constamment indétectable sous traitement antirétroviral.

En cas de charge virale < 1 000 copies/ml et dans l’ensemble des études, deux cas de transmission potentielle ont été mis en évidence. Leur interprétation reste cependant difficile, du fait de la longueur de l’intervalle (respectivement 50 et 53 jours) entre la date supposée de la transmission et la charge virale la plus récente.

Cette revue de la littérature internationale suggère fortement que le risque de transmission sexuelle du VIH est proche de zéro quand la charge virale est <1 000 copies/ mL. Une information qui pourrait mettre un terme au débat actuel, tout en incitant les patients séropositifs à une observance thérapeutique optimale et en réduisant leur stigmatisation. La surveillance régulière de la virémie est un élément essentiel de cette stratégie.

Dr Philippe Tellier


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