Les pays africains sont en train de passer des programmes de lutte contre le VIH financés par les donateurs à des initiatives dirigées par les gouvernements


Yvette Raphael présente à INTEREST 2023. Image par Edith Magak.

« Nous, en tant qu’Africains, sommes l’agenda et avons la capacité de diriger la riposte au VIH. Nous devons créer notre propre projet de loi de financement. Les Africains et ses dirigeants ont un rôle à jouer dans la conceptualisation des idées et des solutions », Yvette Raphael des Advocates for a déclaré la Prévention du VIH en Afrique lors de la récente conférence INTEREST à Maputo, au Mozambique.

Raphael a exhorté les gouvernements et les scientifiques à réduire leur dépendance à l’égard du financement des donateurs pour les initiatives de lutte contre le VIH afin de parvenir à une appropriation et à des programmes durables.

Le financement international reste le principal contributeur à la riposte au VIH/sida en Afrique. Cela menace la pérennité des programmes de lutte contre le VIH, en particulier avec des pressions croissantes sur les budgets internationaux. Cela se voit déjà avec la diminution du financement des donateurs pour le paludisme, le VIH/SIDA et la tuberculose ces dernières années. Pour soutenir les progrès actuels, le financement et le leadership nationaux sont essentiels.

Des chercheurs d’APIN Public Health Initiatives au Nigéria ont mené une étude comparant les sources de financement du VIH entre l’Afrique du Sud et le Nigéria, qui possèdent les deux plus grandes économies d’Afrique. Alors que le Nigéria a une prévalence du VIH de 1,4 % chez les adultes et environ 1,9 million de personnes vivant avec le VIH, l’Afrique du Sud a une prévalence de 18 % avec plus de 7 millions de personnes vivant avec le VIH.

Ils ont analysé les données sur les performances financières et programmatiques de l’ONUSIDA et d’autres sources pour classer les contributions au financement des programmes de lutte contre le VIH en sources nationales et internationales. Entre 2017 et 2020, la contribution du financement national au VIH en Afrique du Sud (69-77 %) était environ quatre à six fois plus élevée qu’au Nigeria (12-17 %). Plus de 80 % du financement de la lutte contre le VIH au Nigéria provenait de sources internationales, contre moins de 30 % en Afrique du Sud. Cependant, le financement international a commencé à décliner au Nigeria.

Les chercheurs suggèrent que les réalisations apparemment plus élevées du Nigeria sur les indicateurs de performance clés du VIH par rapport à l’Afrique du Sud pourraient être menacées par la dépendance excessive du pays vis-à-vis de la diminution des fonds des donateurs. Selon les données de l’ONUSIDA 2021, au Nigeria, 90 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut, 98 % sont sous traitement et 95 % ont une charge virale supprimée, tandis que pour l’Afrique du Sud, les chiffres sont 94-79-91.

La contribution importante du financement national aux dépenses totales de lutte contre le VIH en Afrique du Sud démontre un niveau élevé d’appropriation locale qui positionne mieux l’Afrique du Sud pour la durabilité.

Cependant, certains pays africains prennent déjà les choses en main. Une présentation par affiches de chercheurs de l’École de santé publique de l’Université de Makerere, à Kampala, a décrit l’expérience du pays en matière de transition des donateurs internationaux et ses implications.

Entre novembre 2021 et janvier 2022, les enquêteurs ont exploré des approches innovantes que les gestionnaires des systèmes de santé infranationaux ont adoptées pour assurer un financement durable des services de lutte contre le VIH/sida dans le cadre de la transition des donateurs en Ouganda. L’étude qualitative a été menée dans trois districts représentant trois régions du pays qui ont reçu le soutien de donateurs du Nord global. Des entretiens ont été menés avec 25 gestionnaires et prestataires de santé de district.

Les responsables de la santé ont mobilisé le financement public pour les soins primaires, la santé maternelle et infantile, l’assainissement et la santé environnementale et les services de vaccination pour assurer la continuité des services de lutte contre le VIH/SIDA. Le personnel qui travaillait auparavant pour des programmes financés par des donateurs a été intégré à la main-d’œuvre du secteur public. D’autres stratégies comprenaient l’augmentation des paiements directs des patients et le partage de facilitateurs de liaison entre les différents partenaires communautaires et les programmes de santé, afin de maintenir les activités de sensibilisation communautaire.

En Tanzanie, des chercheurs de l’Institut national de recherche médicale de Dar Es Salaam ont enquêté sur les coûts associés à la prestation de services de lutte contre le paludisme, le VIH/sida et la tuberculose. Ils ont collecté des données quantitatives et qualitatives dans huit régions de la partie continentale du pays, y compris les districts ruraux et urbains. Une approche de micro-coûts a été utilisée pour collecter des données sur les coûts du point de vue des prestataires pendant un an dans 88 établissements de santé publics.

Le déficit financier total a été estimé à 1,5 milliard de dollars US pour le VIH, 400 millions de dollars US pour le paludisme et 86 millions de dollars US pour la tuberculose. Les ressources financières projetées nécessaires pour soutenir ces services pendant dix ans ont été estimées à 8,5 milliards de dollars.

Pour accroître les ressources nationales, les chercheurs ont suggéré la mise en place d’une assurance maladie universelle obligatoire, l’augmentation des paiements directs et l’imposition de taxes sur les services sociaux, les produits alimentaires, les boissons et les forfaits de téléphonie mobile.

En Namibie, des enquêteurs ont mené une étude pour évaluer les contraintes à la viabilité financière de la riposte au VIH dans le pays. Cela visait à établir des voies et des actions pour passer de l’aide au développement au financement national.

Les défis de la transition comprenaient le manque de régimes d’assurance maladie sociale, un cadre faible pour l’approvisionnement en produits anti-VIH, un système de gestion des finances publiques peu favorable et une faible utilisation des centres de santé primaires. Le soutien public limité et l’absence d’un conseil national de lutte contre le sida ont également rendu difficile la mobilisation de ressources pour les interventions dirigées par la communauté.

Ces études montrent que les gouvernements réfléchissent et mettent en place des mécanismes de financement alternatifs pour soutenir les programmes de lutte contre le VIH. Cependant, davantage de pays africains doivent encore renforcer leurs politiques et stratégies pour accroître le financement national de leurs programmes de lutte contre le VIH.

Source : aidsmap


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