Des lacunes dans le traitement antirétroviral des enfants vivant avec le VIH


Depuis 2015, l’Organisation Mondiale de la Santé préconise un traitement antirétroviral [TAR] pour tous les adultes et enfants vivant avec le VIH dès que le diagnostic est posé, quel que soit leur taux de lymphocytes T CD4. Alors que la démarche du « Treat all » (traitement universel) vise à plus d’équité dans le traitement de l’infection à VIH, une étude publiée dans Pediatrics montre que la couverture par le TAR des enfants reste inférieure à celle des adultes dans les pays non occidentaux.

L’étude est limitée à la période 2010-2020 et aux pays qui ont adopté officiellement la démarche du « Treat all » entre 2015 et 2020. Les auteurs ont estimé deux indicateurs, la couverture par le TAR et la mortalité due au SIDA, chez les enfants de moins de 15 ans, par pays et par année, en exploitant des documents de l’Onusida ; et ils ont comparé l’évolution de ces indicateurs avant et après la mise en œuvre du « Treat all », en utilisant une régression binomiale négative à effets fixes.

Des données complètes sur les deux indicateurs sont disponibles pour 91 pays, qui sont tous des pays à revenus bas à moyens. Sur ces 91 pays, 81 avaient inséré le « Treat all » dans les recommandations nationales en 2018, et un seul ne l’avait pas fait en 2020.

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La couverture des enfants par le TAR est bien inférieure à celle des adultes

Globalement, en onze ans, la couverture des enfants par le TAR a plus que triplé, passant de 16 % en 2010 à 54 % en 2020. Cependant, son extension est très inférieure à celle des adultes (de 26 % à 74 % dans le même temps), et elle est très inégale selon les régions du Monde. Les augmentations les plus importantes de la couverture par le TAR sont observées en Asie-Pacifique (de 23 % à 81 % ; p < 0,005), en Afrique de l’Est et du Sud (de 18 % à 57 % ; p < 0,001), au Moyen Orient et en Afrique du Nord (de 8 % à 47 % ; p <0,001), et en Afrique de l’Ouest et centrale (de 7 % à 35 % ; p < 0,001).

Consécutivement, les décès dus au SIDA pédiatrique ont diminué de plus de 50 %, passant de 240 000 en 2010 à 99 000 en 2020. En 2020 la mortalité est concentrée dans l’Afrique subsaharienne (Afrique de l’Est et du Sud et Afrique de l’Ouest et centrale).

Après la mise en œuvre du « Treat all » la couverture des moins de 15 ans par le TAR a continué à augmenter, mais le rythme de l’augmentation est inférieur de 6 % à celui de la période antérieure (Rapport des Taux d’Incidence ajusté [RTIa] : 0,94 ; Intervalle de Confiance de 95 % [IC 95%] : 0,91-0,98). La mortalité du SIDA pédiatrique a continué à diminuer, mais le rythme de la diminution est inférieur de 8 % à celui de la période antérieure (RTIa : 1,08 ; IC 95% : 1,05-1,11).

Ralentissement de l’extension de la couverture par le TAR et de la réduction de la mortalité du SIDA pédiatrique dans certains pays

Le ralentissement de l’extension de la couverture des enfants par le TAR est significatif en Afrique de l’Est et du Sud (RTIa : 0,91 ; IC 95% : 0,87-0,95) et en Afrique de l’Ouest et centrale (RTIa : 0,93 ; IC 95% : 0,87-0,99). Le ralentissement de la réduction de la mortalité du SIDA pédiatrique est significatif en Asie-Pacifique (RTIa : 1,26 ; IC 95% : 1,07-1,49), dans les Caraïbes (RTIa : 1,04 ; IC 95% : 1,01-1,06, et en Afrique de l’Est et du Sud (RTIa : 1,10 ; IC 95% : 1,08-1,14).

Ainsi, durant la dernière décennie, des progrès significatifs ont été accomplis dans la couverture des enfants par le TAR et la réduction de la mortalité due au SIDA pédiatrique dans des pays à revenus bas à moyens. Cependant, à l’ère du « Treat all », le rythme de progression des deux indicateurs ne s’est pas accéléré, et le taux de couverture par le TAR reste nettement inférieur à celui des adultes. C’est que la transmission verticale du VIH reste importante : beaucoup de femmes enceintes ou allaitantes échappent toujours au dépistage, et pour les enfants infectés par le VIH le diagnostic et le traitement sont souvent tardifs.

En plus de la démarche du « Treat all » d’autres stratégies sont nécessaires pour contrôler l’infection des enfants par le VIH, en particulier dans les pays d’Afrique de l’Ouest et centrale où l’épidémie est de type mixte : diagnostiquer précocement les nourrissons, rechercher activement les cas autour d’un cas index de l’adulte, et donner la priorité aux services touchant les familles, où se trouvent les femmes enceintes et allaitantes, les petits nourrissons et les enfants vivant avec le VIH.

Dr Jean-Marc Retbi


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