Chemsex : une offre de soins renforcée


Le phénomène du chemsex a tragiquement été mis sur le devant de la scène il y a quatre mois, à la suite du terrible accident de la route dont s’est rendu responsable l’humoriste Pierre Palmade après une « session de chemsex », drame qui a fait découvrir au grand public cette question de santé publique méconnue. Psychiatre et addictologue à l’hôpital Bichat à Paris où il tient une consultation dédiée aux « troubles de l’usage du chemsex », le Dr David Duroy a évoqué lors du congrès de l’Albatros le renforcement de l’offre de soins dans ce domaine depuis environ trois ans.

Le chemsex se définit, selon l’activiste homosexuel David Stuart, par l’usage de substances psychoactives (les chems) pour initier, améliorer et faciliter la sexualité. Selon cette définition restrictive, le chemsex à proprement parler ne concerne que les HSH (homme ayant des relations sexuelles avec les hommes), avec une prévalence estimée de 20 %. Les substances les plus utilisés sont les cathinones (3 MMC, 3 CMC…) et le GHB/GBL, mais aussi la kétamine et la MDMA.

L’usager peut également « mésuser » du viagra et du poppers, augmentant ainsi son risque d’accident cardiovasculaire et de syndrome coronarien aigu. La nouveauté dans ce domaine est la pratique du « slam », c’est-à-dire la consommation de drogue en intraveineuse, qui modifie la pharmacocinétique et augmente les risques.

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Le chemsex, un comportement à risque

Le chemsex est un comportement à risque, n’en déplaise à certaines associations communautaires de lutte contre le VIH qui tentent parfois de le banaliser. Le développement du chemsex est symptomatique d’une nouvelle libération sexuelle chez les HSH permise par la Prep (Prophylaxie pré-exposition) et le TPE (traitement post-exposition). Comprendre la sociologie de la population HSH est essentielle pour comprendre la problématique du chemsex. Il faut également s’intéresser à l’accessibilité des chems qui est grandissante : il est en effet devenu extrêmement facile d’obtenir de la 3 MMC, du GHB et surtout du poppers.

La consommation de cathinones entraîne un effet MDMA-like : l’usager recherche de l’attachement, est en empathie avec les autres, avec également un effet « marathon », l’effet étant décuplé en cas de slam. L’association avec le GHB/GB crée un effet « alcool-like » : désinhibition à faible dose, coma calme ou « g-hole » (perte de conscience) à forte dose.

Comme tout comportement addictif, le chemsex va d’abord être associé à un renforcement positif, avec une activation du système de récompense (aspect pavlovien) et l’apparition de la notion de saillance : les soirées chemsex prennent une réelle valeur par rapport aux autres soirées. S’en suit un renforcement négatif, avec une activation du cerveau émotionnel, un déséquilibre de l’axe du stress qui engendre un sentiment de sevrage : c’est ce qu’on appelle la descente.

La consommation devient plus fréquente, hors de tout contexte spécifique et sans forcément d’objectif clair : l’importance de la substance et du comportement se modifie, la saillance disparait. Suit enfin la perte de contrôle, avec un déséquilibre de l’auto-régulation et des comportements beaucoup plus sordides. On passe de l’usage au trouble de l’usage et enfin à l’addiction avec toutes les complications liées.

Consultation de premier recours et cercles de parole

L’offre de soins en France concernant les troubles de l’usage de chemsex s’est fortement renforcée ces dernières années grâce à un partenariat des services de psychiatrie et des organismes de lutte contre le VIH. Des consultations de premier recours ont été créées au sein des CeGIDD (centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic), menés par des médecins généralistes spécialement informés avec en seconde ligne des consultations d’addictologie dans des services de psychiatrie.

La prise en charge consiste notamment en des cercles de parole. Parmi la cohorte de patients constitués par le Dr Duroy à l’hôpital Bichat, 94 % ont des IST régulières, 47 % ont éprouvé des envies suicidaires lors de la consommation de stupéfiants et 24 % présentent un risque suicidaire. « Le chemsex crée un risque de trouble de l’usage mais un bon partenariat entre l’AP-HP et les associations peuvent permettre de créer une offre globale et proposer de nouvelles pistes » conclut le Dr Duroy. 

Quentin Haroche congrès de l’albatros Paris 6 – 8 juin 2023


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