Chez les patients atteints d’une infection par le VIH, les infections bactériennes sont à l’origine de 15 % des hospitalisations. Même en cas de traitement antirétroviral efficace, le risque d’infection pneumococcique invasive est 35 fois supérieur à celui de la population générale. La même tendance est observée avec un autre germe pathogène, Neisseria meningitidis, le risque correspondant étant multiplié par 2,5 à 13,0 par rapport à une population témoin.
Les facteurs favorisants sont la déplétion en lymphocytes du type CD4 ou encore l’importance de la charge virale. Face au risque d’infections méningoccociques invasives (IMI), la vaccination contre les méningocoques ACWY est recommandée aux Etats-Unis depuis 2016 chez les patients atteints d’une infection par le VIH dès l’âge de 2 mois. Quels sont les effets de cette politique vaccinale au cours des années qui ont suivi ?
Une étude rétrospective étatsunienne (2009-2019)
C’est à cette question que répond une étude de cohorte rétrospective étatsunienne couvrant la période 2009-2019. Les données ont été recueillies par une dizaine de sites appartenant au réseau des ABCs (Active Bacterial Core surveillance) développé par les CDC (Centers for Disease Control and Prevention), dans le cadre d’un programme spécifique dit EIP (Emerging Infections Program).
Au cours de la période précédemment définie, ont été dénombrés 636 cas d’IMI chez des individus âgés d’au moins 13 ans, dont 16 (2,5 %) chez des patients atteints d’une infection par le VIH dont l’âge médian a été estimé à 46 ans. Aucun cas n’a été détecté chez les individus âgé de moins de 13 ans. Le taux de létalité en cas d’infection par le VIH a été globalement estimée à 18,8 %, cependant près de deux fois plus élevé en cas de SIDA avéré, les trois décès étant déplorés dans ce cas de figure.
Une bactériémie a été mise en évidence dans 11 cas (68,8 %). Plus d’une fois sur deux (53,3 %) chez 15 des 16 patients, c’est le sérogroupe C qui a été identifié, loin devant les autres sérogroupes W et Y (6,7 % chacun), B (6,7 %), le sérogroupe étant indéterminé dans un cas (6,7 %). Le passage en unité de soins intensifs s’est imposé plus d’une fois sur deux (57,1 %).
Un risque d’IMI multiplié par 6
La plupart des victimes d’une IMI (93,8 %) n’avaient pas apparemment bénéficié d’une vaccination contre les méningocoques ACWY, un seul patient faisant état de cette dernière avec certitude. Les recommandations en vigueur depuis 2016 n’ont eu aucun impact significatif sur le taux de vaccination. Plus d’une fois sur deux (58,4 %) (n=12), les concentrations sériques de lymphocytes CD4 étaient <200/µL. L’incidence annuelle moyenne (pour 100 000) des cas d’IMI en cas d’infection par le VIH, a été de 0,96 versus 0,16 chez les témoins, de sorte que le « risque relatif » correspondant peut être estimé à 6,2 (IC 95 %, 3,8-10,1).
Les résultats de cette étude rétrospective s’avèrent nécessaires et suffisants pour recommander la vaccination antiméningococcique en cas d’infection par le VIH, le risque d’IMI en son absence étant multiplié par plus de six. Un chiffre approximatif compte tenu de l’effectif restreint, mais suffisant pour étayer une telle stratégie…
Dr Philippe Tellier