Une recherche faite sur le campus du Nevada de la Touro University révèle comment le virus responsable du SIDA pénètre dans les cellules – ouvrant la porte à un possible traitement
Le virus VIH (en jaune) infectant une cellule humaine. (Crédit : National Cancer Institute on Unsplash/Autorisation de la Touro University)
Une recherche effectuée par un professeur en pathologie au sein de la Touro University, aux États-Unis, a identifié une nouvelle voie utilisée par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) pour pénétrer dans le noyau d’une cellule saine, lui permettant de se répliquer et d’envahir d’autres cellules.
L’étude, qui a été publiée dans le journal à comité de lecture Nature Communications au mois d’août, a été dirigée par le docteur Aurelio Lorico, chef de recherche au College of Osteopathic Medicine sur le campus de l’université Touro, dans le Nevada.
L’étude parvient aussi à identifier trois protéines nécessaires à l’invasion du noyau par le virus. Lorico et ses collègues ont synthétisé des molécules susceptibles de prendre pour cible l’une des protéines, ce qui pourrait aider à mieux comprendre et à mieux soigner d’autres infections virales, les cancers et des maladies neuro-dégénératives comme Alzheimer.
Cette découverte sur le HIV est l’une des émanations des recherches faites par Lorico sur le rôle des vésicules extra-cellulaires (VE) dans les métastases cancéreuses. Ces vésicules extra-cellulaires sont des particules sphériques et lipidiques qui sont naturellement libérées dans leur environnement par presque tous les types de cellules. Elles permettent de communiquer et de transmettre des charges de cellule en cellule. Dans le cas d’un cancer qui se propage dans tout le corps, elles transportent des cellules malignes depuis une tumeur primaire vers un autre organe.
« Les VE sont produites par toutes les cellules et elles sont ensuite déversées en dehors. Quand vous prenez une goutte de sang, vous avez des milliards de VE dedans. Vous avez davantage de VE, d’ailleurs, que d’hémoglobine dans une goutte de sang », explique Lorico.
Lorico savait comment ces vésicules extra-cellulaires pénétraient dans la cellule et dans son noyau. Quand il a réalisé que le VIH était finalement très similaire aux VE, il a commencé à se demander si le VIH pouvait utiliser la même voie pour entrer dans les cellules.
Il a été toutefois d’abord difficile pour lui d’amener les éditeurs du journal scientifique à envisager cette possibilité. Lorico précise que la théorie communément reconnue est que le VIH pénètre dans la cellule en fusionnant avec la membrane plasmique de cette dernière. Dans ce processus de fusion, la couche extérieure du virus est perdue, révélant le virus en lui-même – la capside, qui protège le matériel génétique du virus. Si la capside ne parvient pas à pénétrer dans le noyau de la cellule, alors aucune infection n’est en mesure de se développer.
Le docteur Aurelio Loric dans son laboratoire de la Touro University dans le Nevada.(Autorisation : Touro University)
« Tous les virus n’ont pas besoin d’entrer dans le noyau pour provoquer une infection – mais c’est néanmoins le cas du VIH. La théorie reconnue est que le virus perd sa capside et qu’il ‘nage’ jusqu’au noyau à travers la membrane nucléopore, qui est minuscule, qui consiste en une série d’ouvertures présentes dans la membrane nucléaire de la cellule et qui sert de canal sélectif de transport vers et depuis le noyau », dit Lorico.
Il a pensé qu’il était nécessaire de prendre en considération une idée alternative : celle que le mécanisme de transport à l’intérieur de la cellule (endocytose) puisse être également celui qui est utilisé par le VIH pour y pénétrer.
Les endosomes sont des compartiments membranaires qui se forment quand il y a une invagination (une profonde échancrure ou indentation) de la membrane de la cellule plasmique autour des matériaux qui doivent entrer dans la cellule. Ils sont alors comme « des voitures » ou « des bus » qui transportent ces matériaux dans la cellule – parfois pour être utilisés, parfois pour être détruits ou parfois pour être sortis de la cellule.
Lorico a fait appel à des virologues et tous ont commencé par altérer génétiquement des cellules de cancer HeLa de manière à pouvoir les infecter au virus VIH. Plus tard, ils se sont intéressés aux lymphocytes T qui tiennent un rôle déterminant dans le système immunitaire
Une image produite par un microscope à fluorescence super-résolution utilisé par le docteur Aurelio Lorico, professeur de pathologie et chef de recherche à la Touro University dans le Nevada. (Autorisation : Touro University)
En utilisant un microscope à fluorescence super-résolution, Lorico a été en mesure d’observer que le VIH entrait dans le noyau de la cellule en utilisant le même processus d’invagination que celui présent dans l’endocytose sur la membrane cellulaire.
Un endosome transportant le VIH pousse la membrane nucléaire de protection vers l’intérieur pour former une indentation avant de pénétrer dans le noyau.
« Quand j’ai été embauché à Touro, j’ai dit que je voulais continuer les découvertes que j’étais en train de faire, que j’avais besoin d’un microscope à super-résolution. On parle là d’un appareil qui est très cher, mais Touro a compris son importance et l’a acheté. Je suis très reconnaissant à l’égard de l’université », déclare Lorico.
L’étude a révélé que trois protéines étaient essentielles à l’invasion : La première (Rab7) est située sur la membrane de l’endosome, la deuxième (VAP-A) est située sur la membrane nucléaire où se produit l’invagination, et la troisième (ORP3) relie les deux premières protéines entre elles. Une interaction entre les trois protéines est nécessaire pour que l’invasion réussisse, de sorte que le ciblage de l’une de ces protéines est susceptible de stopper l’infection.
Les chercheurs ont décidé de cibler l’ORP3, les deux autres protéines ayant des rôles essentiels dans la cellule.
« Ce que nous avons fait avant tout, c’est nous intéresser à la littérature existante pour voir s’il y avait des molécules connues pour prendre pour cible cette protéine. Il n’y a pas d’inhibiteur de l’ORP3 mais il y a un inhibiteur d’autres protéines de la même famille que l’ORP3. C’est un médicament antifongique qui s’appelle hydroconazole [qui est aussi connu sous le nom Orungal], et qui est d’ores et déjà utilisé cliniquement », explique Lorico.
Les scientifiques ont pu constater que le médicament avait bloqué avec succès la protéine ORP3 et le processus permettant au VIH d’entrer dans le noyau de la cellule – avec le problème toutefois que le médicament pourrait s’avérer être toxique s’il devait être donné aux patients aux doses élevées nécessaires pour combattre l’infection à VIH.
Photo d’illustration : un infirmier pakistanais prélève du sang à un bébé pour un test VIH dans un hôpital public de Rato Dero dans le district de Larkana, le 9 mai 2019. (Crédit : RIZWAN TABASSUM /AFP)
Pour surmonter cette difficulté, Lorico a fait appel à des chimistes spécialisés dans la chimie de synthèse qu’il connaissait, dans son Italie natale, pour aider à créer un composé dérivé de l’hydroconazole dont les molécules sont bien plus petites, qui ne vise pas les infections fongiques et qui parvient à bloquer la voie empruntée par le VIH – et qui devrait en théorie s’avérer être sûr et fiable à l’issue d’autres examens et essais cliniques.
« Nous avions déjà des articles publiés qui disaient que ça pouvait marcher contre le cancer. Et nous disposions de données non publiées qui montraient que chez les animaux, in vivo, ça fonctionnait et ça bloquait les métastases. Aujourd’hui, cette étude montre que ça bloque aussi le transport nucléaire du VIH. Et nous avons entrepris des collaborations pour montrer que ça peut bloquer d’autres virus, comme le cytomégalovirus et la grippe », dit Lorico.
Il n’est pas le seul à être enthousiasmé par cette découverte et à penser qu’elle pourrait offrir un aperçu sans pareil sur la pathogénèse d’un grand nombre de maladies.
« Un grand nombre des récentes pandémies ont été causées par des infections virales. L’université de Touro est vraiment ravie des recherches faites par le docteur Lorico et par ses collègues qui ont découvert une nouvelle voie nécessaire pour que les virus puissent croître dans le corps et qui ont suggéré de nouveaux moyens pour supprimer les infections virales. C’est un travail qui incarne l’engagement de Touro à faire fermement avancer la recherche », a commenté le président de l’université, le docteur Alan Kadish.
Source AT