L’OMS met à jour sa position officielle sur le traitement comme prévention: Une personne traitée, même avec une charge virale détectable de moins de 1000 copies, ne peut pas transmettre le VIH.
Lors de la 12e Conférence scientifique sur le VIH qui se tient à Brisbane, en Australie, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que le risque de transmission du VIH par une personne dont la charge virale est trop faible pour être quantifiée, même quand elle est toujours détectable, est «presque nul ou négligeable». Une précision importante, alors que la notion même de traitement comme prévention (TasP) reste mal connue, y compris chez les personnes vivant avec le VIH.
Cette question du «seuil d’efficacité» du TasP inquiète depuis un moment les personnes vivant avec le VIH qui se reposent sur l’efficacité du traitement comme prévention pour éviter d’infecter leurs partenaires. On sait en effet depuis 2007 et le Swiss Statement, puis grâce aux résultats des études Partner et Partner2, qu’un traitement efficace du VIH, pris régulièrement, et qui entraîne une suppression de la charge virale, élimine tout risque de transmission du VIH. C’est cette définition qui a entraîné la création du slogan «U = U», Undetectable = Untransmittable en anglais, indétectable = intransmissible en français. Ce message, important, a transformé la place, la perception et la vie de nombreuses personnes vivant avec le VIH.
Mais cette notion même d’indétectabilité varie selon les pays et les années, le seuil d’indétectabilité étant généralement fixé entre 20 et 200 copies par mL, selon les techniques disponibles et utilisées, et les différentes recommandations nationales et internationales. Et puis, quid des charges virales contrôlées, mais faibles ? Des «pics» de charge virale que les personnes vivant avec le VIH peuvent connaître, de temps en temps, dans leurs résultats d’examens sanguins?
Une nouvelle catégorie dans la mesure de charge virale
Pour répondre à ces questions, l’OMS a présenté à l’IAS 2023, à travers la Dr Lara Vojnov, conseillère en diagnostic au sein du Programme mondial de l’OMS sur le VIH, les hépatites et les IST un nouveau document d’orientation de l’OMS, «Le rôle de la suppression virale du VIH dans l’amélioration de la santé individuelle et la réduction de la transmission». Ce document explique en termes simples les mesures de la charge virale et leur pertinence pour la transmission.
Le document distingue trois catégories de résultats de tests de charge virale:
- «Non supprimée», qui est supérieure à 1000 copies;
- «Indétectable», qui dépend de la sensibilité du test individuel et peut signifier n’importe quoi entre 20 et 200, ou même moins dans les tests ultrasensibles;
- et la zone intermédiaire que l’OMS désigne maintenant comme «supprimée mais détectable», où le VIH reste détectable, mais à des niveaux si faibles que les tests ne peuvent pas donner une charge virale quantifiable.
Pour une personne séropositive avec une charge virale «supprimée», le risque de transmission est «presque nul ou négligeable». Une définition qui reprend l’idée du «risque zéro» de transmission, qui concerne déjà les personnes dont la charge virale est inférieure à 200.
La présentation de Lara Vojnov et le document de l’OMS s’accompagnent d’une publication dans le Lancet, The risk of sexual transmission of HIV in individuals with low-level HIV viraemia: a systematic review, dont la conclusion de l’article est on-ne-peut-plus claire : «Il y a presque zéro risque de transmission sexuelle du VIH avec des charges virales inférieures à 1000 copies par mL.»
Selon la publication du Lancet, on peut dire que les cas de transmission du VIH par une personne ayant une charge virale entre 600 et 1000 sont peu nombreux, et représentent au maximum 0,6% des transmissions observées; aucune transmission n’a été observée lorsque la charge virale était inférieure à 600.
Les cas de transmission sont également peu nombreux quand la charge virale est de quelques milliers de copie: dans deux études menées dans les années 1990 en Ouganda et en Zambie, respectivement 81% et 92% des cas de transmissions se sont produites lorsque le ou la partenaire séropositif avait une charge virale supérieure à 10000.
Le seuil de mesure de l’indétectabilité varie selon la méthode de test
Cette nouvelle catégorie «supprimée mais détectable» a aussi des applications pratiques dans les pays à ressources limitées. L’OMS la propose en raison d’un besoin urgent de quantifier le risque de transmission pour quelqu’un dont la charge virale est inférieure à 1000 mais supérieure à 200, en particulier.
Si, pour connaître la charge virale d’un patient, c’est la technique sur échantillon de plasma qui fournit les résultats les plus sensibles (limites de détection la plus basse de 20 ou 50 copies par mL), les autres types de tests fournissent des résultats de haute qualité. Dans de nombreux contextes où la prévalence du VIH est élevée, l’utilisation d’autres types d’échantillons, tels que les échantillons de gouttes de sang séché, élargit considérablement l’accès aux mesures de la charge virale et son intégration, essentielle, dans la prise en charge des patients. Ces tests ont des limites de détection de la charge virale plus élevées, de 300 à 900 copies/mL, mais cette nouvelle approche de l’OMS permet de distinguer avec précision les échantillons qu’on appelle indétectables, supprimés (détectés mais ≤ 1 000 copies/mL) et non supprimés (> 1 000 copies/mL).
L’OMS recommande que les personnes qui présentent une charge virale «supprimée mais détectable» reçoivent un conseil renforcé sur l’adhésion au traitement, et qu’un test de charge virale soit répété trois mois plus tard. Si le résultat est toujours supprimé mais détectable, alors le régime devrait être changé, car cela peut indiquer une résistance de faible niveau ou un échec imminent du traitement.
Les cas de la PTME et de l’injection à risques
Notons que les données du rapport publiées dans le Lancet ne concernent pas la prévention de la transmission de la mère à l’enfant. Selon les auteurs, nous ne pouvons pas dire avec la même assurance que «suppression» équivaut à un risque «proche de zéro». Il existe en effet plusieurs modes de transmission de la mère au bébé (sang, le lait maternel).
Et l’OMS reconnaît également qu’il y a un manque total de preuves scientifiques en ce qui concerne la relation entre la charge virale et le risque d’infection par injections. Une vraie lacune, pour le moins, alors qu’une étude, également présentée à l’IAS, par le Dr Adeline Artenie de l’Université de Bristol, révélait que près de 14% des personnes qui s’injectent des drogues en Afrique du Sud ont été infectées par le VIH.
En conclusion, Lara Vojnov a rappelé que le message initial de U=U reste inchangé: «Les personnes vivant avec le VIH qui ont une charge virale indétectable ont un risque zéro de transmettre le VIH à leurs partenaires sexuels.»
Source : Par Charles Roncier, vih.org