Programmé sur France 3 ce 21 septembre, un documentaire donne notamment la parole à des usagers et anciens usagers de drogues dans un cadre sexuel. Sans sensationnalisme et avec l’appui de spécialistes de la réduction des risques, le film explore le phénomène du chemsex de manière intime.
Les usagers, militants, associations, médecins ou responsables politiques qui connaissent le dossier le disent à l’unisson : on aurait tort de limiter notre compréhension du chemsex à l’addiction à des produits psychoactifs de synthèse. « Chemsex : accros au sexe sous drogues », diffusé sur France 3 Île-de-France ce jeudi 21 septembre à 23h (puis en replay), donne largement la parole à des usagers de cette pratique qui s’est rapidement démocratisée en une décennie. Sans commentaire et sans sensationnalisme, le film de Léa Ménard permet d’appréhender en 52 minutes le phénomène pour aider les personnes qui en ont besoin.
Pour beaucoup des usagers interrogés, la période des confinements liés au Covid a été le déclencheur : « Si ça s’est démocratisé à ce point-là, c’est qu’on a tous ressenti à peu près la même chose. Quand t’es trentenaire à Paris, gay, ta vie sociale c’est ce que tu as de plus précieux. Tu te retrouves dans un plan chems débridé par la drogue, tu te sens moins seul, c’est très euphorisant », raconte Thomas, qui a commencé le chemsex après une rupture amoureuse. « C’est ce qui est insidieux, c’est que c’est vraiment ouf. On baise, les sensations sont multipliées par mille et avec de beaux mecs en plus ! », poursuit Corentin, qui avait déjà témoigné lors de la crise du monkeypox.
La facilité d’accès, les tentations des applications où de nombreux profils proposent des plans chems, lancent la machine. Les inhibitions de la vie quotidienne et sexuelle se lèvent au point qu’il devient difficile pour beaucoup de vivre sans. Si des chemsexeurs parviennent à maîtriser leur consommation, 60% des patients reçus par le Dr Aslan, sexologue à l’hôpital Saint-Louis à Paris, estiment « avoir un questionnement ou une dysfonction sexuelle qu’ils relient à leur consommation ». Sur 96 patients, évalue-t-il, « 25% ont eu besoin de soins médicaux urgents ».
Chemsex et réduction des risques
Mais il n’y a pas de fatalité, et des personnes se battent pour accompagner les personnes qui en ont besoin. Au Spot, l’association Aides donne de l’information, permet le dialogue, apporte du soutien. « Dire que la drogue, c’est de la merde, ça n’a jamais empêché quelqu’un d’entrer dans la consommation de produits. En revanche, dire au gens que s’ils consomment tel produit, il faut les consommer de telle ou telle manière, en espaçant les prises etc., permet d’éviter que cette consommation s’accompagne de problématiques de santé », souligne Fred Bladou, en charge du chemsex chez Aides. Jean-Luc Romero-Michel, adjoint à la mairie de Paris en charge des discriminations, s’inquiète qu’en raison de la répression, les secours ne soient pas toujours appelés car les usagers de drogue craignent l’arrivée de la police.
Les professionnels de santé expliquent la révolution de la démarche de prévention des risques : l’objectif n’est plus, comme il le fut les décennies précédentes, de stopper de façon brutale la prise de produits, mais plutôt d’apprendre à maîtriser sa consommation, si nécessaire jusqu’à l’arrêt. « Ce suivi, c’est une méthode qui fonctionne », témoigne Eleonore Laussat, infirmière de recherche à l’hôpital Saint-Louis à Paris. Ainsi, se félicite Joseph : « Le chemsex est devenu une toute petite partie de ma vie, tellement ponctuelle que je ne sais pas quand était la dernière fois que j’en ai fait. Mon objectif était de retrouver une consommation récréative ». Quand la consommation reprend une place marginale, les personnes qui en sortent retrouvent progressivement le goût de choses simple comme le sport, le cinéma, la drague, et peuvent alors progressivement reconstruire une sexualité basée sur le désir. Un documentaire à voir !
Source : AT