« Rescapée »
Pascale Lassus, 62 ans, retraitée à Bayonne
J’ai été contaminée en 1984 par mon petit copain de l’époque, qui ne savait pas qu’il était séropositif. J’étais de la génération « pilule », je ne me sentais pas du tout concernée par le Sida. Je suis restée 10 ans sans savoir que j’avais le VIH. En 1994, je suis tombée malade : une bronchite résistante aux antibiotiques. J’ai passé un test qui s’est révélé positif. Je suis tombée des nues. J’avais vécu normalement jusque là et puis mon système immunitaire a fini par se détraquer.
Quand je l’ai appris, j’avais une fille de 6 ans. Elle aussi a fait le test : positif. Le médecin m’a dit qu’elle ne passerait pas l’adolescence, j’étais totalement effondrée.
A l’époque, le seul traitement disponible était l’AZT, qui provoquait des effets indésirables horribles. La nuit, je réveillais ma fille car il fallait le prendre toutes les quatre heures. Pour l’école, j’ai menti, j’ai dit qu’elle souffrait d’allergies.
Puis en 1995, les trithérapies sont arrivées. En 30 ans, les traitements se sont beaucoup allégés.
Aujourd’hui, ma fille a 35 ans. Elle a pu avoir un enfant qui est séronégatif, un petit « miracle ».
J’ai été obligée d’arrêter de travailler en 2006. Et je sais que je ne vais jamais restaurer mon système immunitaire qui n’est pas très vaillant, mais je m’estime chanceuse. J’avais beaucoup de copains gays qui sont tous partis. Je me suis souvent dit : « pourquoi je suis encore là ? » Je me considère comme une rescapée.
« Stigmatisés »
Paul Kidd, 59 ans, militant et avocat, au nord de Melbourne (Australie)
J’ai été diagnostiqué séropositif en 1991, mais je l’étais probablement déjà depuis quelques années. J’avais demandé un test vers 1986, mais à cette époque le climat politique était très mauvais pour les personnes vivant avec le VIH, avec des appels ouverts pour que nous soyons mis en quarantaine.
Mon diagnostic a été difficile à accepter mais pas vraiment une surprise, car un de mes ex-partenaires était mort du Sida en 1988.
Beaucoup de gens que je connaissais et que j’aimais sont partis. Je me souviens du « mémorial Candlelight Aids » à Sydney en 1985 : j’étais assis parmi des milliers de personnes dans un grand parc, écoutant l’appel des noms de personnes décédées. Tout le monde était accablé de chagrin.
J’ai commencé l’AZT tout de suite après mon diagnostic, il m’a certainement sauvé la vie. Beaucoup de malades ont trouvé les effets secondaires intolérables et l’ont arrêté. Les traitements d’aujourd’hui sont très différents.
Une chose qui n’a pas beaucoup changé est la stigmatisation liée au VIH. Il est toujours criminalisé dans de nombreux pays à travers le monde.
En Ouganda et au Ghana notamment, la situation est terrible, et les personnes vivant avec le VIH en Russie et en Europe de l’Est ont une vie beaucoup plus difficile que la mienne.
Je sais que j’ai de la chance d’être encore en vie et le travail bénévole que je fais est ma façon d’honorer la mémoire de ceux qui ne sont plus avec nous.
« Survivant »
Joël Vermont, 58 ans, demandeur d’emploi à Vincennes
J’ai appris ma séropositivité en 1992: j’avais 27 ans, j’ai eu le sentiment qu’un immeuble me tombait sur la tête.
J’ai pris de l’AZT. C’était abominable entre les diarrhées, les nausées… Je suis passé de 88 à 60 kilos.
Puis les trithérapie sont arrivées, mais elles n’ont pas marché sur moi. J’ai basculé dans l’alcool.
Ma charge virale a explosé, j’ai développé une maladie aux poumons et un début de cancer. J’ai atterri à l’hôpital, où je suis resté dans le coma 45 jours. Quand je me suis réveillé, je ne pouvais plus marcher et j’étais paralysé d’un bras. J’ai du tout réapprendre.
Au travail, j’ai été discriminé. J’ai fait une dépression. Au bout de 8 ans d’un long arrêt maladie, j’ai eu gain de cause au tribunal. Je me suis engagé dans le milieu associatif.
Pendant des années, j’ai entendu que j’allais mourir et puis tout d’un coup on m’a dit que je devais vivre. Il m’a fallu un accompagnement psychologique pour accepter ça. Je dis souvent que je suis un survivant du Sida.
« Oubliée »
Grisel Granados, 36 ans, directrice adjointe d’une association axée sur les femmes à Los Angeles
Née au Mexique en 1986, avant que les dons de sang ne soient régulièrement testés pour le VIH, j’ai contracté le virus suite à l’allaitement maternel, ma mère ayant été contaminée par une transmission sanguine.
Ce n’est que cinq ans plus tard, lorsque mon père a commencé à tomber malade, que nous avons appris que nous avions le VIH.
Même si j’ai eu un cancer à l’âge de 10 ans, j’estime avoir eu une enfance normale. Mais je pense que la génération née avec le VIH est trop souvent oubliée ou ignorée.
Adolescente, je prenais 14 pilules par jour. Maintenant, je n’en ai plus qu’une et me trouve très chanceuse de n’avoir jamais ressenti d’effets secondaires. Pour moi, l’un des progrès les plus importants pour les personnes vivant avec le VIH, est de pouvoir avoir des enfants et les allaiter sans risque.