La toxicité à long terme de la thérapie antirétrovirale combinée (cART), en particulier due aux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI), est une cause importante de morbidité chez les personnes infectées par le VIH-1, comme en témoignent la prise de poids et la stéatose hépatique associées au traitement par ténofovir alafénamide. Par conséquent, la réduction de l’utilisation des INTI est un avantage des bi-thérapies approuvées, notamment l’association lamivudine et dolutégravir (DTG), ainsi que le rilpivirine à action prolongée et le cabotégravir, qui ont toutes les deux démontré une non-infériorité par rapport au cART chez les patients en suppression virologique. En revanche, contrairement aux bi-thérapies à base de DTG, plusieurs essais contrôlés randomisés qui ont étudié l’efficacité de la monothérapie par DTG ont révélé une infériorité par rapport au cART. Il est important de noter que toutes ces études de simplification par DTG concernaient des patients initiant un cART pendant l’infection chronique par le VIH-1. Une méta-analyse récente regroupant les données de quatre essais contrôlés randomisés étudiant l’efficacité de la monothérapie par DTG a examiné les facteurs associés à l’échec viral et a montré de fortes associations avec l’initiation d’un traitement antirétroviral ≥ 90 jours après la primo-infection par le VIH, un nadir de cellules CD4-T < 350 cellules/mm3, la charge virale ARN et la taille du réservoir ADN au point de départ.
Etude randomisée, contrôlée, multicentrique, chez des patients traités pendant les six premiers mois par une thérapie antirétrovirale combinée
Une étude suisse randomisée, contrôlée, multicentrique, de non infériorité a évalué l’efficacité à long terme de la monothérapie par DTG sur une période de suivi de 192 semaines chez les patients ayant initialement reçu un traitement cART dans les six premiers mois suivant la primo-infection par le VIH. La population de l’étude a été recrutée à partir des études Zurich Primary HIV Infection (ZPHI) et Swiss HIV Cohort (SHCS). Les critères d’inclusion pour l’étude étaient : âge d’au moins 18 ans, aucun échec ni interruption du traitement antirétroviral antérieur, aucune résistance aux inhibiteurs majeurs de l’intégrase, au moins 48 semaines de charge virale VIH-1 inférieur à 50 copies/ml et négativité pour le virus de l’hépatite B. Les critères d’exclusion étaient : les patientes enceintes, allaitantes (en Suisse une mère séropositive sous traitement efficace peut allaiter), les patients utilisant des médicaments contre-indiqués avec le DTG ou ayant décrit une intolérance antérieure au DTG.
Le critère d’évaluation principal était la non-infériorité entre la monothérapie DTG et le cART, définie comme la proportion d’échecs viraux chez les patients du groupe monothérapie DTG par rapport au groupe cART. Les critères secondaires comprenaient les changements du taux des CD4+, les événements indésirables, la taille du réservoir d’ADN du VIH et les pics viraux. L’étude a utilisé une conception randomisée pour évaluer l’efficacité de la monothérapie au DTG par rapport à la cART sur une période de 96 semaines. La randomisation des groupes d’étude a été effectuée à l’aide de SecuTrial. L’analyse statistique a été réalisée en utilisant le package R ‘ExactCIdiff’ pour calculer l’intervalle de confiance de non-infériorité à 95 % entre le DTG en monothérapie et la cART. Au-delà de la semaine 96, le suivi a été réalisé de manière observationnelle jusqu’à 192 semaines. Les modèles mixtes linéaires ont été utilisés pour analyser les critères secondaires, en prenant en compte la semaine d’étude comme prédicteur et en ajustant pour le groupe d’étude afin de comparer les différences entre les groupes.
Publicité
Entre novembre 2015 et mars 2017, 101 patients ont été sélectionnés pour participer à l’étude. Les patients ont été randomisés selon un rapport 2:1 pour recevoir la monothérapie DTG (n = 68, 67 %) ou la cART (n = 33, 33 %), formant la base de l’analyse en intention de traiter (ITT). Les caractéristiques de base des participants étaient bien équilibrées entre les groupes de traitement.
Non-infériorité de la monothérapie par dolutéragrivir
Dans l’analyse en intention de traiter, la monothérapie par DTG a montré une non-infériorité par rapport au cART à 96 semaines. Aucun échec virologique supplémentaire n’a été observé après la levée de la randomisation à 96 semaines. Les événements indésirables graves et liés au médicament et l’augmentation du taux des CD4 ont été similaires entre les deux groupes. La taille du réservoir d’ADN du VIH n’a montré aucune différence significative entre les deux groupes.
Les résultats d’EARLY SIMPLIFIED suggèrent que la monothérapie par DTG pourrait offrir une alternative thérapeutique moins complexe en réduisant l’utilisation des INTI, chez les patients infectés par le VIH-1 qui ont initialement reçu un traitement cART dans les six premiers mois de la primo-infection par le VIH. Cependant, il est important de noter certaines limites de cette étude. Premièrement, l’échantillon de patients était limité et provenait de deux études spécifiques, ce qui peut rendre difficile la généralisation des résultats à d’autres populations. Deuxièmement, la durée de suivi relativement courte de 96 semaines peut ne pas permettre de détecter des effets indésirables ou des échecs virologiques qui pourraient survenir à plus long terme. Une étude à plus long terme serait nécessaire pour évaluer l’efficacité et la sécurité de la monothérapie par DTG sur une période prolongée. Enfin, cette étude n’a évalué que la monothérapie par DTG et n’a pas comparé d’autres options de traitement simplifié, ce qui limite notre compréhension globale des meilleures stratégies thérapeutiques.
Des études à plus long terme et incluant une plus grande diversité de patients sont nécessaires pour confirmer ces résultats et évaluer les avantages et les limites de la monothérapie par DTG par rapport à d’autres options thérapeutiques.
Dr Alessia Melzani