« Peu de choses existent pour les vieux séropositifs » : vieillir avec le VIH, une prise en charge à inventer


Analyse

Plusieurs associations remettent, lundi 27 mai au ministère de la santé, les conclusions de leurs états généraux pour une meilleure prise en charge et qualité de vie des personnes vivant avec le VIH. La moitié des personnes porteuses du virus ont plus de 50 ans en France.

  • Juliette Paquier,
  • le 27/05/2024 à 06:10

« Vieillir, pour moi, c’est une bonne surprise. » Lorsqu’il a été testé positif au VIH en 1986, Tim ne pensait pas fêter un jour ses 60 ans. Près de quarante ans et un cancer plus tard, il reconnaît toutefois être « très ralenti ». « Je continue à avoir une immunité faible, je reste en grosse vigilance sur le VIH, j’ai un suivi de chimiothérapie tous les trois mois… » Des problèmes de santé « à la limite du handicap », indirectement liés au virus.

Militant chez Aides, il a participé aux états généraux pour une meilleure prise en charge et qualité de vie des personnes vivant avec le VIH, organisés du 25 au 27 mai, dont l’une des tables rondes était intitulée « Vieillir avec le VIH ». Alors que la moitié des personnes séropositives en France ont aujourd’hui plus de 50 ans (soit environ 88 460 patients), leur suivi médical s’invente au jour le jour.

Cumul des pathologies précoces

«Les personnes contaminées il y a vingt ou trente ans, qui ont survécu aux pires années, vieillissent en cumulant plusieurs pathologies en plus du VIH, explique ainsi Florence Thune, directrice générale de l’association Sidaction. La survenue de ces pathologies arrive parfois plus tôt en âge que pour les personnes séronégatives. »

La prise en charge des maladies liées à la vieillesse nécessite un parcours de soins adapté au suivi du virus. « À partir du moment où j’ai eu d’autres maladies, le VIH a eu tendance à passer en arrière-plan», retrace ainsi Tim, dont les rendez-vous de santé se multiplient depuis quelques années. « Je fais un bilan cardiaque chaque année, un bilan pulmonaire deux fois par an parce que j’ai fumé, je vais chez le rhumatologue tous les trois mois, chez le psychologue une fois par mois…»

S’il reconnaît une bonne prise en charge sur les suivis « vitaux », il déplore les difficultés d’accessibilité aux soins qui ne relèvent pas d’une urgence vitale, comme les consultations chez le dentiste, le rhumatologue ou encore l’ophtalmologue. Ce manque de coordination des soins entre les différents professionnels de santé a été mis en lumière dans une étude menée par l’association MoiPatient (1), à paraître prochainement. Ainsi, seuls 64,7 % des médecins interrogés disaient disposer d’un carnet d’adresses d’autres professionnels de santé.

Précarité et discriminations

Florence Thune pointe aussi des difficultés socioéconomiques auxquelles les personnes qui vieillissent avec le VIH sont confrontées, comme la précarité liée aux carrières « à trous », dues à l’empêchement de travailler lorsque les traitements n’existaient pas encore, ou encore les discriminations dans les maisons de retraite ou Ehpad.

Parmi les recommandations que la directrice générale du Sidaction souhaite porter au ministère du travail et de la santé figurent ainsi une meilleure prise en compte des particularités de la vie avec le VIH et des traitements sur le long terme, l’amélioration de la formation des professionnels dans les lieux médico-sociaux ou encore la prise en compte des carrières morcelées.

«Peu de documentation existe aujourd’hui sur la prise en charge des vieux séropositifs, regrette Tim. On doit inventer la manière de vieillir le plus normalement possible, iln’y a pas de précédent à la situation actuelle. » Il affirme ne pas avoir « peur de la mort » mais plutôt d’être « mal pris en charge et de mal mourir ».

(1) 89 personnes ont répondu au volet « professionnels-les de santé » de l’enquête, sur 433 réponses collectées.


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