Non-divulgation de la séropositivité: Ottawa exhorté à réformer la loi


Au vu du Code criminel, les personnes qui connaissent leur séropositivité, mais qui ne divulguent pas leur statut à leur partenaire peuvent être accusées d’agression sexuelle grave. Des organismes pressent le gouvernement de réformer la loi le plus rapidement possible afin de réduire la discrimination et de faciliter le dépistage.

« On fait un plaidoyer pour montrer que c’est injuste, explique Benoit Racette, coordonnateur du programme Droits et plaidoyer de la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida. Le VIH, c’est la seule maladie transmissible [sexuellement] qui est condamnée à ce point sur le plan pénal et criminel. Ça a contaminé l’image des personnes qui vivent avec le VIH. Ça ne fonctionne pas, la criminalisation, tous les experts le disent. »

Dans le cadre de Fierté Montréal, plusieurs organismes revendiquent la décriminalisation de la non-divulgation du statut sérologique dans les cas où le risque de transmission est nul. Le Code criminel stipule qu’une personne atteinte du VIH qui n’a pas divulgué sa séropositivité avant d’avoir des relations sexuelles peut être accusée de voies de fait graves ou d’agression sexuelle grave même s’il n’y a pas eu de transmission ou que le risque de transmission était nul ou négligeable. La personne accusée est alors inscrite au Registre national des délinquants sexuels. Elle peut être passible d’emprisonnement à vie.

Des conséquences dévastatrices

Depuis plusieurs années, des organismes et des chercheurs dénoncent l’inadéquation de cette criminalisation visant à endiguer l’épidémie de VIH. Selon les résultats d’une étude, 7 % des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes sont moins susceptibles de subir un test de dépistage en raison de préoccupations liées à de possibles poursuites, ce qui pourrait se traduire par une hausse de 18,5 % de la transmission.

L’Organisation mondiale de la santé considère qu’une charge virale supprimée est associée à un risque de transmission négligeable.

Pire, la loi canadienne exposerait de façon disproportionnée les séropositifs à la discrimination, à la violence ainsi qu’aux abus au sein du couple. Deux femmes victimes de viol ont ainsi été accusées d’agression sexuelle grave puisqu’elles n’avaient pas divulgué leur statut séropositif à leurs agresseurs présumés au moment des événements. Elles avaient des antécédents de prostitution et les autorités n’auraient pas pris au sérieux leurs récits.

C’est ce qu’a raconté Alexander McClelland, alors candidat au doctorat, lors de comparutions sur la question devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne en 2019. Les 16 personnes interrogées par le chercheur ont tenté de se suicider ou ont eu des idées suicidaires après avoir été accusées. Étiquetées comme délinquantes sexuelles, elles se voyaient souvent refuser emploi et logement. Plusieurs ont dit avoir subi de la violence en prison. Tous ont décrit des expériences marquées par la stigmatisation, la panique et la peur.

« Ce n’est pas juste une question qui touche les gens qui se voient accusés, ajoute André Capretti, analyste des politiques au Réseau juridique VIH. Il y a tellement de monde qui vit avec le VIH qui craint de faire l’objet de chantage ou de vengeance dans des contextes d’abus conjugaux, qui doit prendre en vidéo son partenaire sexuel [en train de déclarer qu’il connaît le statut séropositif de l’autre]. Les gens ne vont pas trop parler [de leur état de santé], parce que les notes de leurs médecins peuvent être invoquées contre eux en cour. »

L’urgence d’agir

Le temps presse donc pour réformer la loi, d’autant plus que le processus peut prendre beaucoup de temps et dépendre de la durée de vie du gouvernement libéral, estiment Benoit Racette et André Capretti.

La réforme de la loi faisait partie des priorités de l’ancien ministre de la Justice David Lametti, écarté lors du plus récent remaniement ministériel. « On espère encore un projet de loi à l’automne au Parlement canadien, indique M. Racette, qui énonce la sensibilisation du nouveau ministre à propos de ce dossier. En même temps qu’il y a des projets de loi au ministère de la Justice, on travaille au ministère de la Santé à faire un plan de dépistage, de prévention. Il faut que Québec aussi emboîte le pas.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir.

La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.


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