Dans le cadre de la semaine de la santé sexuelle, l’ARS en partenariat avec l’association Nariké M’sada organisait un dépistage, ce jeudi 6 juin.
Depuis 2022, Mayotte fait face à une recrudescence des cas de VIH (virus de l’immunodéficience humaine). L’accès au dépistage et aux soins est entravé par le contrôle de l’immigration clandestine mais aussi par la précarité des populations vivants à Mayotte. Face à ces obstacles, des acteurs de santé publique se coordonnent pour développer le dépistage.
L’infectiologue Mohamadou Niang qui travaille au centre hospitalier de Mayotte se dit « très inquiet de la circulation du VIH » et du nombre de cas qui explose.
Assises à l’ombre, jeudi 6 juin, des femmes attendent leur tour pour se faire dépister. Dans le camion itinérant de dépistage, garé devant la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM), une salariée de Nariké M’sada, l’association de lutte contre le sida, réalise un test rapide d’orientation diagnostique (trod). L’événement est organisé par l’Agence régionale de santé (ARS) dans le cadre de la Semaine de la santé sexuelle du 3 au 9 juin.
Alors que le nombre de cas de VIH explose à Mayotte, il y a urgence à dépister. En septembre 2023, l’infectiologue Mohamadou Niang a lancé l’alerte VIH sur le territoire. « Nous sommes très inquiets de la circulation de la maladie. En 2019, quand je suis arrivé au centre hospitalier de Mayotte, on comptait 275 cas de personnes vivants avec le VIH. Actuellement, nous en sommes à 560 », décrit le chef de l’unité maladies infectieuses. En 2016, trois patients atteints du sida – c’est-à-dire le dernier stade de l’infection par le VIH- étaient suivis par le centre hospitalier de Mayotte (CHM). Désormais, ce nombre a été multiplié par quatre. « Et ces données sont seulement la partie apparente de l’iceberg », s’alarme-t-il.
La peur des contrôles de la PAF
Pour casser la chaîne de contamination, il faut dépister massivement. Mais celui-ci est entravé par plusieurs facteurs. Pour les personnes en situation irrégulière, il faut se rendre au CHM à Mamoudzou, seul lieu où elles peuvent se faire dépister. « Certaines renoncent à se déplacer jusqu’au CHM car elles craignent d’être contrôlées par la police aux frontières (PAF) », explique docteur Niang. « Parfois, certains de mes patients séropositifs renoncent au système de soins faute de moyens. Les personnes sans papiers doivent venir le chercher au CHM, mais si leur titre de séjour arrive à expiration, elles peuvent préférer mettre fin à leur traitement plutôt que de prendre le risque de se faire contrôler par la PAF. » Or, en cas d’interruption du traitement, elles risquent de contaminer le partenaire. L’infectiologue préconise donc plutôt « de leur permettre de récupérer leur traitement antirétrovirale (ARV) directement en pharmacie à proximité de leur domicile, comme c’est le cas pour les affiliés sociaux ».
La précarité sociale constitue l’autre obstacle majeur au dépistage, associée à l’absence de transports en commun. Les structures de dépistage essentiellement situées à Mamoudzou obligent les habitants du nord et du sud de Mayotte à prendre un taxi pour aller se faire dépister. « Pour une personne qui vit à l’autre bout de l’île, cela peut lui coûter jusqu’à seize euros de taxi aller-retour. Quand on sait que 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, le dépistage n’est même pas envisageable », souligne Moncef Mouhoudhoire, le directeur de l’association Nariké M’sada. Un constat partagé par l’infectiologue Mohamadou Niang : « Pour une partie de la population qui arrive à Mayotte, la première préoccupation, c’est de se nourrir. Pour certaines qui sont séropositives, faire le traitement est secondaire, elles n’en n’ont pas les moyens ».
« Aller vers » les populations
Forte de ces constats et pour enrayer la courbe de contamination, différents acteurs de santé publique ont décidé de mener une action coordonnée basée sur la stratégie « d’aller vers » les populations. Le Lion’s club Mayotte lagon, le laboratoire Gilead et la préfecture de Mayotte ont financé l’achat d’une unité mobile de dépistage pilotée par l’association Nariké M’sada, à savoir un camion qui sillonne les parties reculées de l’île. En parallèle, au sein des Protection maternelle infantile (PMI), 19 éducateurs de santé ont été formés au test rapide d’orientation diagnostique (trod). « Ces personnels vont dépister directement dans les salles d’attente des PMI », indique Pierre Sauves, le directeur de la PMI de Mayotte. L’objectif : maximiser le nombre de personnes dépistées.
Simultanément au dépistage, Moncef Mouhoudhoire estime qu’il faut renforcer en urgence l’accès à la contraception à Mayotte. L’accès aux préservatifs « n’est pas garanti dans le plus jeune département de France. Il y a un business à créer pour en mettre à disposition dans les lieux de vie nocturne. A 2h du matin, en sortant d’un bar, si on se demande où est-ce que je peux trouver un préservatif, on doit avoir une réponse », affirme-t-il.
Actuellement, l’ARS mène une campagne de distribution de préservatifs gratuits dans l’ensemble de Mayotte en particulier dans des lieux très fréquentés par les Mahorais, entre autres dans les magasins Douka Bé et dans les salons de coiffure.