L’espérance de vie des patients qui ont contracté une infection par le VIH et entrepris un traitement antirétroviral a considérablement augmenté au cours des 25 dernières années. Si la maladie reste incurable, les traitements mis au point ont permis de contrôler son évolution et de transformer son pronostic vital, au prix cependant d’effets iatrogènes importants.
La plupart des études à avoir établi ces faits reposent sur des données concernant les années qui ont suivi l’apparition et la mise en œuvre des stratégies thérapeutiques efficaces, lorsque la mortalité était la plus élevée. Nombreux sont désormais les patients séropositifs à bénéficier d’un traitement qui a été débuté bien après et il importe de disposer de données actualisées sur le pronostic de leur maladie à long terme dans ce cas de figure.
Quelques années de moins que pour la population générale
C’est là l’objectif de vingt études de cohorte prospectives européennes ou nord-américaines, regroupées au sein de l’Antiretroviral Therapy Cohort Collaboration et de l’UK Collaborative HIV Cohort Study dans lesquelles ont été inclus 206 891 patients séropositifs.
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Deux groupes ont été constitués : dans l’un, le traitement antirétroviral avait été débuté entre 1996 et 2014 et poursuivi au moins un an, l’âge des patients étant ≥16 ans ; dans l’autre, ce traitement avait été débuté entre 2015 et 2019 et également poursuivi pendant au moins un an. Les associations entre les caractéristiques démographiques ou cliniques et la mortalité ont été estimées à l’aide de modèles de Poisson. L’espérance de vie restante dans les deux sexes a été calculée et comparée à celle de la population générale des pays participant aux études. Au total, ont été dénombrés 5 780 décès après 2015.
Chez les femmes, le nombre standardisé d’années de vie restantes à l’âge de 40 ans pour celles qui avaient commencé un traitement antirétroviral entre 1996 et 2014 a été estimé à en moyenne à 35,8 (intervalle de confiance à 95 % IC 95 % : 35,2-36,4), versus 39,0 (38,5-39,5) pour celles qui l’ont débuté après 2015 (alors que dans la population générale, le nombre atteint 45,8 ans). Chez les hommes, les chiffres correspondants sont respectivement de 34,5 (33,8-35,2) et 37,0 (36,5-37,6) ans (population générale : 40,7 ans).
Le taux de CD4, une variable pronostique déterminante
Cependant, le taux de lymphocytes CD4 au début du suivi est apparu comme une variable pronostique déterminante, quelle que soit la période de début du traitement. Entre 1996 et 2014, un taux de CD4 compris entre 0 et 49 cellules/μL a été associé à une espérance de vie restante à 40 ans réduite, soit respectivement 19,4 (18,2-20,5) et 18,2 (17,1-19,4) années chez les femmes et les hommes. Toujours dans ce groupe, les valeurs correspondantes en cas de CD4 ≥500 cellules/μL ont été de respectivement 40,2 (39,7-40,6) et 38,0 (37,5-38,5) années.
Chez les femmes et les hommes qui ont débuté le traitement après 2015, les taux de CD4 effondrés (0 à 49 cellules/μL) ont eu la même incidence pronostique, les valeurs de l’espérance de vie restante étant alors de 24,9 (23,9-25,9) et 23,7 (22,7-24,8) ans, alors qu’en cas de CD4 ≥500 cellules/μL, elles atteignent respectivement 42,0 (41,7-42,3) et 39,2 (38,7-39,7) années.
L’espérance de vie des patients séropositifs à 40 ans reste inférieure de quelques années à celle de la population générale, que le traitement antirétroviral ait été débuté avant ou après 2015. Une condition sine qua non au moins à ce résultat : c’est une observance thérapeutique étroite attestée par le taux des lymphocytes CD4, tout autant qu’un diagnostic le plus précoce possible avant la maladie ne s’aggrave au point de compromettre l’efficacité du traitement.
Dr Philippe Tellier