La Doxy PEP ne réduit pas le risque d’IST chez les femmes cisgenres


Les bénéfices de la prophylaxie post-exposition par doxycycline (Doxycycline Post-Exposure Prophylaxis, PEP) dans la prévention de la transmission des infections sexuellement transmissibles (IST) chez les hommes et les femmes transgenres ne semblent pas s’étendre aux femmes cisgenres, qui présentent des taux d’infection excessivement élevés dans de nombreuses régions.

« Il s’agissait du premier essai évaluant la PEP par doxycycline chez des femmes cisgenres », a déclaré Jenell Stewart, premier auteur, docteur en ostéopathie de l’Université du Minnesota (University of Minnesota), à Minneapolis, en discutant des résultats lors d’une conférence de presse organisée à l’occasion de l’édition 2023 du congrès annuel de la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections, CROI).

« Malheureusement, notre critère d’évaluation principal n’était pas statistiquement significatif : nous n’avons pas observé de réduction des IST chez les femmes cisgenres, ce qui contraste fortement avec les [effets rapportés] chez les hommes cisgenres et les femmes transgenres », a-t-elle déclaré.

Les résultats proviennent d’une étude menée auprès de 449 femmes cisgenres non enceintes (moyenne d’âge : 24 ans) au Kenya qui prenaient quotidiennement une prophylaxie préexposition (PreExposure Prophylaxis, PrEP) orale contre le VIH pendant une durée médiane d’environ 7 mois.

Les femmes ont été affectées de manière aléatoire pour recevoir soit une Doxy PEP à raison de 200 mg, à prendre dans les 72 heures suivant le rapport sexuel (n = 224), soit les soins standard, qui comprenaient un dépistage trimestriel et un traitement des IST (n = 225).

Parmi les femmes, 36,7% ont rapporté avoir des rapports sexuels transactionnels à l’inclusion ; la prévalence des IST à l’inclusion était de 17,9%, dont 14,1% pour les infections à chlamydia, 3,8% pour la blennorragie et 0,4% pour la syphilis. Aucune différence n’a été identifiée entre les groupes de l’étude.

Dans les enquêtes, 78% des femmes ont rapporté prendre la Doxy PEP conformément à la prescription ; elles ont pris la prophylaxie au moins autant de jours qu’elles ont eu de rapports sexuels.

Néanmoins, aucune différence significative n’a été observée au niveau de l’incidence des IST, rapportée sur 1 an, lors des visites trimestrielles incluant des dépistages des IST génitales, entre les groupes, avec 50 patientes dans le groupe Doxy PEP et 59 dans le groupe de dépistage standard développant des IST (risque relatif de 0,88 ; p=0,51).

Parmi les infections, 85 étaient des infections à chlamydia, dont 35 dans le groupe de la Doxy PEP et 50 dans le cadre du traitement standard, tandis que 31 étaient des blennorragies, dont 19 dans le groupe de la Doxy PEP et 12 dans celui du traitement standard ; huit cas de double infection à chlamydia et de blennorragie, et une infection par la syphilis ont été observés.

Les résultats étaient cohérents dans les sous-analyses de patientes regroupées en fonction des IST, qui ont débuté une grossesse (n = 80), ou classées selon d’autres facteurs, notamment l’âge, l’utilisation de contraceptifs, les rapports sexuels transactionnels et les IST à l’inclusion.

Aucune des femmes n’a développé le VIH, et aucun événement grave n’a été associé au traitement par Doxy PEP.

Les femmes cisgenres portent le « fardeau le plus élevé » en matière d’IST

Les résultats sont décevants au regard des taux plus élevés d’IST chez les femmes cisgenres, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (Centers for Disease Control and Prevention, CDC) signalant que les femmes supportent également de manière disproportionnée les conséquences à long terme des IST.

« En effet, chaque année, les maladies sexuellement transmissibles non traitées provoquent une infertilité chez au moins 20 000 femmes aux États-Unis, et le risque de transmission de la syphilis d’une femme enceinte à son enfant à naître est très élevé si l’infection n’est pas dépistée ou traitée », rapportent les CDC.

Les taux d’IST sont particulièrement élevés pour les femmes prenant une PrEP pour le VIH dans des régions comme l’Afrique de l’Est, où les taux d’IST chez les femmes cisgenres sont, dans de nombreux cas, plus élevés que les taux des hommes sous PrEP dans les pays à revenus élevés, a déclaré Mme Stewart.

Des études antérieures sur la Doxy PEP chez des hommes et des femmes transgenres prenant une PrEP pour le VIH, y compris de nouvelles recherches présentées lors de la CROI, ont montré des réductions très encourageantes des IST, pouvant aller jusqu’à environ 80% pour les infections à chlamydia et la syphilis.

Observance, anatomie, résistance

Les principales théories expliquant le manque de prévention des infections chez les femmes cisgenres tournent autour des questions de résistance, d’anatomie et d’observance, a déclaré Mme Stewart.

En ce qui concerne les résistances bactériennes, alors que les tests initiaux dans un nombre limité d’échantillons de l’étude n’ont révélé aucun signe de marqueurs de résistance à chlamydia, tous les échantillons de blennorragie ont mis en évidence une souche de N. gonorrhea résistante à la tétracycline à l’inclusion et lors du suivi, dans les deux groupes.

En ce qui concerne les différences anatomiques, la doxycycline pourrait ne pas prévenir les IST dans le tissu endocervical chez les femmes cisgenres, a noté Mme Stewart. Les femmes sont connues pour présenter un risque plus élevé d’infection, car la muqueuse vaginale est plus fine que la peau du pénis, ce qui facilite la pénétration des bactéries et des virus.

L’étude a été conçue pour optimiser l’observance de la Doxy PEP. Les mesures comprenaient une surveillance par des enquêtes hebdomadaires par SMS, dans lesquelles les femmes ont rapporté un taux élevé d’observance.

Le taux de rétention global dans l’étude était élevé ; jusqu’à 97 % des visites de suivi trimestrielles ont été honorées, dont 95 % dans le groupe Doxy PEP et 98 % dans le groupe des soins standard. Le taux de réponse pour les enquêtes hebdomadaires était de 81 %.

Il convient de noter que les femmes ont rapporté que l’utilisation du traitement était « imparfaite », suggérant des problèmes sociaux, tels que des préjugés à l’égard de l’utilisation de la prophylaxie.

Les résultats soulignent la nécessité d’efforts continus pour s’assurer qu’aucun groupe de patients n’est laissé de côté à mesure que les interventions progressent, a déclaré Mme Stewart.

« Le fardeau des IST pour les femmes cisgenres est important et croissant », conclut-elle. « Des interventions de prévention des IST sont nécessaires. »

Dans un commentaire sur l’étude, Renee A. Heffron, titulaire d’un doctorat et d’un master en santé publique, a déclaré que les résultats « sont quelque peu surprenants car les résultats des essais menés dans d’autres populations ont été positifs.

« Mais les femmes cisgenres sont exposées à travers le col de l’utérus, et ce tissu est différent du tissu rectal ou urétral », a déclaré Mme Heffron, professeur au Département de médecine de la Faculté de médecine (Heersink School of Medicine) et directrice du Centre de recherche sur le SIDA (Center for AIDS Research) de l’Université de l’Alabama (University of Alabama) de Birmingham, à Medscape Medical News.

D’autres résultats de recherches devraient aider à faire la lumière sur les principaux problèmes d’observance et les niveaux de concentration du médicament dans le tissu cervical, a-t-elle ajouté.

« Pour les femmes cisgenres, ces données sont les premières qui nous permettront, à terme, de déterminer, s’il s’agit d’une stratégie viable », a déclaré Mme Heffron.

« Nous avons encore beaucoup à apprendre pour mieux comprendre les grandes conclusions tirées des résultats de l’essai, et si certains ajustements de cette stratégie pourraient améliorer son efficacité. »

Les auteurs de l’étude et Mme Heffron n’ont divulgué aucune relation financière pertinente.

Édition 2023 du congrès annuel de la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections, CROI) : Abstract 121. Présenté le 20 février 2023.

Source AT


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