Mardi 25 juillet 2023, beaucoup de présentations sur la Prep en ce troisième jour de conférence IAS 2023 à Brisbane. Prep orale, Prep injectable, anticorps neutralisants, Doxypep, anneaux vaginaux, etc. Une prévention à la carte se met doucement en place, mais l’accès n’est pas le même selon les pays.
U = U = Zéro risque de transmission !
« Nous sommes prêts à dire zéro. À vos marques, prêts ? Faites du sexe ! », un groupe d’activistes traverse joyeusement le centre de conférence en scandant ces paroles, puis monte sur la scène de la plénière d’ouverture avec une banderole qui dit : « DitesZero, U = U = Zéro risque, Source : Organisation mondiale de la Santé ». Sur scène, une activiste prend la parole : « En tant que personne vivant avec le VIH, cette recommandation de l’OMS nous donne de l’espoir pour mettre fin à la stigmatisation et aux nouvelles acquisitions du VIH. Nous ne sommes pas malades ! Nous ne sommes pas sales ! Nous ne sommes pas en train de mourir ! Mais nous voulons zéro [risque] et nous avons besoin de votre soutien. Dites zéro avec nous car nous sommes plus forts que le VIH ». Pas de colère ici, mais plus de la joie de voir enfin l’OMS reconnaitre la puissance du Tasp et recommander aux soignants-es d’avoir un message clair et sans ambiguïté auprès de leurs patients-es. Quinze ans après l’avis suisse et neuf ans après les résultats de l’étude Partner, il était temps ! Sur Twitter, l’IAS salue cette initiative : « Une manifestation à IAS2023 célèbre les recommandations de l’OMS qui encouragent les professionnels de la santé à dire qu’il n’y a AUCUN risque lorsque le VIH est indétectable. À l’IAS, nous accueillons les manifestations car le progrès se produit lorsque la science, la politique et l’activisme se rejoignent. #SayZero (dites zéro) ». Une information malheureusement mal reprise par certains médias spécialisés en santé français. C’est le cas du site de Pourquoi Docteur qui titre à ce sujet « Sida : transmission quasi-impossible par les patients sous antirétroviraux » puis ajoute dans son article « pratiquement aucun risque » en parlant du seuil de 1 000 copies alors que l’info principale de l’OMS et du Lancet était zéro risque de transmission en dessous de 200 copies. Quel dommage de ne pas saisir cette opportunité pour communiquer (enfin !) de façon claire et sans ambiguïté sur le message Indétectable = Intransmissible…
Doxypep : est-ce le moment de l’implémenter ?
Le Pr Jean-Michel Molina (département de maladies infectieuses de l’hôpital Saint-Louis et Lariboisière, AP-HP et Université Paris Cité) a fait un topo sur les différents essais qui testent Doxypep. Rappel : Doxypep (doxycycline post-exposure prophylaxis) est une nouvelle stratégie de prévention qui consiste à prendre un antibiotique (la doxycycline) après un rapport sexuel non protégé par un préservatif (entre 24 heures et 72 heures au maximum après le rapport). En France, cette étude est conduite depuis janvier 2021 chez des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH), très exposés au risque d’IST et ayant présenté au moins une IST dans l’année précédant leur participation à l’étude. Ces hommes participent, par ailleurs, à la cohorte ANRS Prevenir sur la Prep VIH. Au total, 502 volontaires (tous des hommes cisgenres gays ou bisexuels d’une moyenne d’âge de 39 ans et vivant en région parisienne) ont été répartis par tirage au sort dans plusieurs groupes. Il a été constaté que le groupe recevant la doxycycline (Doxypep) présentait une réduction importante du risque de syphilis (79 % d’efficacité) et d’infections à chlamydia (89 % d’efficacité). L’incidence des infections à gonocoque était également réduite significativement (51 % d’efficacité). Il est intéressant de noter que la Doxypep ne semblait efficace que pour réduire les gonorrhées anales ou urétrales, mais pas les infections de la gorge.
Aux États-Unis, l’essai Doxypep a donné des résultats similaires avec 65 % d’efficacité et une plus grande efficacité sur chlamydiae et syphilis, mais presque 50 % sur la gono. Une étude s’est focalisée sur la Doxypep chez les femmes en comparant deux groupes de femmes cisgenres au Kenya : un groupe sous Doxypep et un sans Doxypep. Ces femmes prenaient déjà une Prep VIH en comprimés quotidiens et elles étaient très exposées aux IST. L’étude a notamment recherché les cas de syphilis, de gonocoque et de chlamydiae chez 449 femmes (dont 37 % étaient travailleuses du sexe). Au total, pas de différences d’incidence des différentes d’IST entre les deux groupes. Ces résultats négatifs pourraient s’expliquer par la muqueuse endocervicale (dans l’utérus) qui serait différente des autres muqueuses vis-à-vis de la doxycycline, par résistances à la doxycycline ou un manque d’observance (prises oubliées). Des données décevantes donc, mais qui doivent être approfondies pour mieux comprendre ce qui n’a pas fonctionné.
Se pose alors la délicate question des résistances. Dans l’essai américain DoxyPEP, il a été constaté une sélection de souches de gonocoques résistantes dans le groupe des personnes sous doxycycline. La crainte de cette stratégie est de sélectionner davantage de souches résistantes même à d’autres antibiotiques utilisés pour le traitement à cause de résistances croisées. Les chlamydiae peuvent aussi devenir résistantes à la doxycycline, des résistances difficiles à diagnostiquer. Pour la syphilis : pas de résistances détectées, mais une mutation pourrait suffire à l’acquérir. Un autre souci est l’impact sur le microbiote. Il faudra probablement cibler les populations les plus exposées aux IST pour le meilleur rapport bénéfice/risque. Il faudra bien prouver l’efficacité pour éviter l’émergence de résistances. La recherche doit donc continuer a conclu le Pr Molina.
Anticorps neutralisants monoclonaux en prévention du VIH ?
Nyaradzo Mavis Mgodi est rédactrice adjointe du JIAS (Journal of the International AIDS Society) et éditrice associée de la revue Frontiers in Global Reproductive Health – HIV and STIs. Elle est pathologiste clinique et spécialiste des essais cliniques avec plus de 15 ans d’expérience dans la réalisation d’essais cliniques notamment au Zimbabwe, où se trouve l’Université du Zimbabwe-Clinical. La clinicienne explique qu’il y a besoin de diversifier les options de Prep, notamment pour les femmes. Il faut une palette d’outils pour avoir plus de choix. Les anticorps sont une option : utilisés dans plusieurs maladies depuis un siècle. Les anticorps peuvent neutraliser ou induire d’autres mécanismes protecteurs. Dans l’infection à VIH, les bons anticorps neutralisants sont présents, mais arrivent trop tard et trop peu, les virus ont le temps de muter et d’échapper. L’idée est donc de les fabriquer et de les utiliser en prévention. Un essai d’immunisation passive VRC01 avec injection de ces anticorps donnés toutes les huit semaines a apporté la preuve de concept : cela fonctionne en partie, uniquement chez les personnes qui rencontrent des virus sensibles aux anticorps monoclonaux, car ces anticorps ne protègent que contre certains sous-types du VIH. Il faudra donc plusieurs types d’anticorps pour une protection efficace. Les chercheurs-ses pourront développer d’autres anticorps en testant le titre (la quantité) d’anticorps neutralisants in vitro sur différentes souches pour monter de nouveaux essais de prévention. Les anticorps de seconde génération doivent avoir un spectre plus large et être plus puissants. Il faudra combiner également des anticorps dirigés contre différents sites de l’enveloppe virale pour une meilleure efficacité, soit avec plusieurs anticorps, soit avec un anticorps capable de neutraliser plusieurs épitopes (ou déterminants antigéniques) de l’enveloppe. Un défi majeur pour les années à venir…
Prep en anneau vaginal au Zimbabwe
Cette étude a été menée au Zimbabwe chez 1 200 jeunes femmes de 18 à 25 ans avec 16 participantes et 16 soignants-es pour faire des études qualitatives dans chaque site. Pas de randomisation : seules 390 jeunes femmes ont choisi la Prep orale (en comprimés), les autres ont choisi la Prep en anneau vaginal de dapivirine (résultats d’acceptabilité). Les résultats ont montré un taux de séroconversion du même ordre (alors que les résultats des essais montraient une efficacité moins bonne des anneaux), mais moins d’arrêts (63 % de maintien dans le soin pour l’anneau versus 16 % sous Prep orale) et davantage de motivation des jeunes femmes rapportée dans la partie qualitative de l’étude, il y a eu quelques hésitations pour l’anneau chez les plus jeunes. Au total, les jeunes femmes préfèrent de loin la Prep en anneau vaginal que la Prep orale.
Vietnam : accès à la Prep des jeunes
Le Vietnam est le pays de la région Asie-pacifique avec le plus de prepeurs, après l’Australie. Une campagne PREP4U a été mise en place à destination des jeunes qui ont peu conscience d’être exposés au risque VIH, malgré une forte incidence des IST. La campagne a aussi été menée sur les réseaux sociaux ciblant les villes où les incidences des IST sont les plus fortes. Elle visait à orienter les jeunes vers les centres de santé sexuelle y compris les HSH et personnes trans, en promouvant la Prep. La campagne a été vue 1,1 million de fois. Elle a aussi été menée dans les universités avec distribution d’autotests et 317 mises sous Prep d’étudiants-es. Un réseau d’ambassadeurs-rices de la Prep a été mis en place, en particulier pour les HSH et les personnes trans. Une chanson spécifique a même été créée. Des idées innovantes dont pourrait s’inspirer la Direction générale de la Santé en France…
Les femmes préfèrent la Prep injectable
Une étude menée dans sept pays africains a révélé que près de huit femmes cisgenres sur dix préfèrent la Prep injectable (cabotégravir) à la Prep orale quotidienne pour la prévention du VIH. L’étude était une extension en accès libre de l’essai clinique HPTN 084, une étude de référence qui a démontré que l’injection de cabotégravir à action prolongée est supérieure à la Prep orale quotidienne pour la prévention du VIH chez les personnes assignées femmes à la naissance. Sur la base de ces résultats, la Prep injectable à action prolongée est désormais prête à être déployée dans plusieurs pays africains. Cette étude de suivi, présentée par Sinead Delany-Moretlwe de l’Université du Witwatersrand, a eu lieu au Botswana, en Eswatini, au Kenya, au Malawi, en Afrique du Sud, en Ouganda et au Zimbabwe. Elle a révélé que sur près de 2 500 participantes, 78 % ont choisi la Prep injectable à action prolongée, tandis que 22 % ont opté pour la Prep orale quotidienne. Un certain nombre de facteurs ont influencé le choix du produit, y compris les préférences personnelles concernant l’injection toutes les huit semaines ou la prise d’un comprimé chaque jour. Les participantes qui ont choisi la Prep injectable à action prolongée étaient plus susceptibles d’être sexuellement actives, mais de ne pas vivre en couple, d’avoir récemment subi des violences physiques de la part d’un partenaire intime et d’avoir été rémunérées pour des relations sexuelles. « Ces résultats suggèrent que la Prep à action prolongée pourrait avoir un impact préventif considérable en Afrique, où l’adoption de la Prep orale quotidienne a été décevante », a commenté la Pre Sharon Lewin, présidente de l’IAS. « J’espère que ces résultats accéléreront l’élan pour rendre la Prep à action prolongée accessible à toutes celles et ceux qui en ont besoin ».
Imaginer l’élimination du VIH à travers la prévention
Andrew Grulich est un épidémiologiste et médecin spécialiste en santé publique avec 30 ans d’expérience dans la réalisation de recherches sur le VIH. Il est directeur de la thématique « Populations et Prévention », et responsable du programme d’épidémiologie et de prévention du VIH à l’Institut Kirby de l’Université de New South Wales à Sydney (Australie). Le chercheur explique que le but actuel est d’éliminer le VIH de façon populationnelle et non seulement individuelle. On peut penser que, sans vaccin, ni traitement de guérison (cure), ça ne marchera pas, mais on a le Tasp (Indétectable = Intransmissible) et la Prep. D’après les objectifs de l’Onusida, l’incidence du VIH aurait dû réduire de 54 % entre 2015 et 2022, mais nous n’y sommes pas et les objectifs « 95-95-95 » pour 2025 ne seront pas atteints si on ne diminue la stigmatisation et les politiques répressives envers les populations clés. La cascade mondiale a progressé depuis 2015, mais il demeure de grandes disparités selon les régions. Le potentiel de la Prep n’est encore pas assez intégré dans tous les pays. Le déclin de l’incidence est réel, mais trop lent et dans certaines régions l’incidence augmente comme dans la région Mena (Afrique du Nord et Moyen-Orient ; 19 pays concernés). Certains pays d’Afrique ont de bons résultats comme dans les pays financés par le programme américain Pepfar où la surveillance permet de démontrer la baisse de l’incidence. Au Canada : 30 % de baisse, 22 % aux Etats-Unis, et plus prononcée à San Francisco et New-York. On note aussi 53 % de baisse au Royaume-Uni depuis 2012. En Australie, 39 % de baisse depuis 2010. En Nouvelle-Galles du Sud (Australie) : une cible de la Prep est fixée pour 90 % des HSH qui ont des partenaires occasionnels. La chute de l’incidence chez les HSH est d’autant plus forte que la concentration des gays et bisexuels dans les quartiers est forte (davantage de services et d’empowerment communautaire). Dans les zones urbaines avec une forte concentration d’hommes gays, le taux de dépistage et de mise sous Prep est plus important. Le succès est donc davantage spectaculaire dans le centre de Sydney (Inner Sydney) et moins évident dans les zones rurales où les hommes gays et bisexuels sont moins présents.
Australie = outils de prévention des HSH
Timothy Broady est chercheur à l’Université de Sydney en Australie. Dans sa présentation, il s’est intéressé aux changements dans les outils de prévention utilisés par les HSH avec leurs partenaires (réguliers et occasionnels), ainsi qu’aux changements des niveaux de prévention, de protection des rapports avec des outils efficaces, et aux expositions à risque déclarés par les participants. Les analyses sont réalisées sur des données collectées entre 2018 et 2022 dans la « Gay Community Periodic Survey ». Cette enquête est réalisée chaque année en Australie pendant les périodes des festivals LGBTQ et concerne principalement les HSH. Environ 8 000 personnes répondent au questionnaire tous les ans. Les résultats montrent qu’entre 2018 et 2022 près de 70 % des participants déclarent avoir un partenaire régulier. La proportion de participants ayant réalisé au moins un test pour le VIH pendant l’année précédant l’enquête diminue de 70 % en 2018 à 62 % en 2022. La proportion de participants ayant plus de dix partenaires sexuels passe de 22 % à 18 % entre 2018 et 2022. En moyenne, un tiers des HSH avec un partenaire régulier sont en couple sérodifférent. La proportion de participants séronégatifs sous Prep a doublé, passant de 17 % à 34 % entre 2018 et 2022. Pendant toute la période, la proportion de participants se protégeant avec la Prep lors des rapports avec des partenaires occasionnels est autour de 68 %. Enfin, la protection des rapports avec les deux types des partenaires a augmenté entre 2018 et 2022 : passant de 45 % à 53 % des participants à l’enquête. En conclusion, le risque de transmission du VIH entre partenaires réguliers est bas et décroit pendant la période étudiée. L’utilisation des outils biomédicaux de prévention du VIH augmente pour les personnes ayant un partenaire régulier, et l’utilisation de la Prep augmente chez les participants ayant des rapports sexuels non protégés par un préservatif, notamment avec des partenaires occasionnels.
Prep et populations clés : le compte n’y est pas
Hanna B Demeke, chercheuse américaine et co-autrice de l’essai « Ending the HIV Epidemic in the United States » a fait une présentation sur l’initiation de la Prep parmi les populations clés des pays soutenus par le programme américain Pepfar entre 2019 et 2022. Des analyses ont été réalisées sur les données du système de monitorage, suivi et évaluation du plan PEPFAR. L’étude s’est intéressée principalement aux personnes ayant initié la Prep durant la période étudiée, notamment les populations clés. Entre 2019 et 2022, 1 371 984 personnes ont initié la Prep dans 40 pays soutenus par le plan PEPFAR. Parmi elles, seulement 38 % ont déclaré s’identifier à une des populations clés suivantes : HSH, travailleurs-ses du sexe (TDS), femmes trans, personnes détenues ou usagers-ères de drogue injectables (UDI). Cela montre que les programmes de lutte contre le VIH négligent toujours une partie importante des populations clés. Malgré l’impact de la Covid-19 sur l’organisation des services de santé, les données reflètent une mise à l’échelle de la Prep stable. Toutefois, les données suggèrent que 70 % des HSH et TDS séronégatifs-ves n’ont pas initié la Prep pendant la période étudiée. Pour atteindre l’objectif de 10 millions de personnes sous Prep en 2025, il est crucial de mettre à disposition la Prep orale (à la demande et continue), mais aussi les nouvelles formes de Prep, notamment la Prep injectable à longue durée d’action. De plus, les services de santé doivent s’adapter aux besoins des populations clés.
VIH et allaitement : où en est-on ?
Natalia Laufer est chercheuse au Conseil argentin de la recherche, membre du Conseil consultatif du Programme de l’hépatite du ministère argentin de la Santé, et secrétaire de la Commission sur les hépatites de la Société argentine des maladies infectieuses. Elle est également professeure d’immunologie et de maladies infectieuses à la faculté de médecine de l’Université de Buenos Aires. La chercheuse explique que le rapport Hirschel en 2008 n’incluait pas de recommandation sur allaitement et VIH. Depuis 2016, les recommandations sur l’allaitement sont en cours d’évolution. La plupart des infections VIH in utero surviennent lors de l’accouchement avec du virus libre. Les cellules infectées n’ont que peu de rôle. Pour l’allaitement : c’est le virus libre qui se transmet par les muqueuses du nouveau-né, facilité par l’inflammation des seins, mais il y a aussi le rôle des cellules infectées. Sans ARV, le risque de transmettre le VIH pendant l’allaitement est de 20 %. Si les ARV éliminent le virus libre, qu’en est-il de la transmission par des cellules infectées réservoirs qui pourraient se réactiver ? Cela reste encore une question ouverte, explique Natalia Laufer. Le Tasp (Indétectable = Intransmissible) s’applique pour la grossesse, mais il manque des données pour l’allaitement. Si la mère a eu une charge virale indétectable pendant toute la grossesse, la nécessité de traiter le nouveau-né pourrait être inutile, mais il n’existe pas d’essais cliniques de grande ampleur pour le prouver. Seuls, les Suisses ne traitent pas le nouveau-né dans ce cas optimal où la mère a toujours maintenu une charge virale indétectable. Une étude publiée le 20 avril 2023 dans la revue scientifique Clinical Infectious Diseases n’a révélé aucune transmission du VIH parmi 72 personnes vivant avec le VIH qui ont allaité leur enfant entre 2014 et 2022 aux États-Unis et au Canada. Mêmes résultats pour une étude en Suisse avec 25 mères et une autre petite étude en Tanzanie. En attendant une étude à grande échelle, il est donc nécessaire de promouvoir les décisions partagées entre les mères et leurs soignants-es. C’est d’ailleurs la doctrine des nouvelles recommandations américaines qui stipulent que les mères vivant avec le VIH devraient « recevoir des conseils fondés sur des données probantes et centrés sur la personne afin de soutenir la prise de décision partagée ». Jusqu’à présent, aux États-Unis, la doctrine était de toujours conseiller aux femmes séropositives de ne pas allaiter en raison d’un risque très faible (moins de 1 %) de transmission de la mère à l’enfant. Les nouvelles recommandations françaises sont attendues à la fin de l’année dans le cadre du Rapport d’experts sur la prise en charge des personnes vivant avec le VIH.
Inégalités raciales d’accès au dépistage au Brésil
La baisse des cas de personnes en stade sida au Brésil est de 52 % chez les Blancs-hes versus 36 % chez les Noirs-es. Une étude a analysé, dans trois villes, des données de dépistage dans les centres de santé sexuelle où la Prep est dispensée chez les jeunes HSH et personnes trans âgés-es de 15 à 19 ans. Les chercheurs-ses comparé l’accès au dépistage chez les Blancs-hes versus les Noirs-es ou Métis-ses. Au total, 67 % des jeunes HSH/personnes trans blancs-hes avaient fait un test dans les six mois contre 35 % chez les Noirs-es ou Métis-ses. On retrouve cette différence quand on regarde le dépistage au cours de la vie. Les personnes noires ou métisses ont 33 % moins eu accès au dépistage que les personnes blanches même en tenant compte du niveau d’éducation et socioéconomique. Un racisme structurel peut expliquer ce résultat.
Brésil : les services de santé primaire sauvent des vies !
Priscilla Pinto, chercheuse au Brésil, explique que, bien que les services de santé primaire (Primary health care) fassent partie des services de prévention et de soins, son effet sur les indicateurs associés au stade sida dans les pays à revenus faibles est peu connu. Cette étude réalisée au Brésil cherche à évaluer l’impact d’un des plus grands programmes de soins de santé primaires au monde (Stratégie de santé familiale du Brésil, SFB) sur l’incidence des personnes en stade sida et la mortalité associée. Il s’agit d’une étude expérimentale fondée sur des données de cohorte (Cohorte « 100 millions de Brésiliens ») concernant 3,4 millions de personnes de 13 ans et plus. Les analyses concernent les données collectées entre 2007 et 2015. Des personnes résidant dans des régions couvertes par la SFB ont été comparées à celles résidant dans des régions non couvertes par la SFB. Les résultats mettent en évidence 2 721 nouveaux cas de personnes en stade sida et 819 décès dus à cette maladie. L’incidence est de 25,57 % parmi les personnes dans les régions non couvertes par la SFB et 13,27 % parmi les personnes dans les régions couvertes par la SFB. En ce qui concerne la mortalité, elle est de 8, 28 % et autour de 3 % respectivement dans les zones non couvertes et couvertes. Un modèle communautaire universel de services de santé primaire pourrait réduire significativement l’incidence et la mortalité d’une maladie liée au stade sida. Pour cela, il est nécessaire d’améliorer les infrastructures, d’augmenter les ressources humaines pouvant délivrer les services de santé primaire et de mettre l’accent sur la décentralisation de ce modèle.
Mpox : pas de sur risque quand le VIH est contrôlé
Une info rassurante. Parmi les cas de Mpox (Monkeypox ou variole du singe) dans le monde en 2022, les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) n’étaient PAS plus susceptibles d’être hospitalisées quand leur infection à VIH était contrôlée, selon une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’épidémie de Mpox est apparue en mai 2022, et, à ce jour, les pays concernés ont signalé près de 150 décès. La grande majorité des cas de Mpox ont été recensés chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), dont beaucoup vivent avec le VIH, et des études ont montré que le Mpox peut être beaucoup plus sévère chez ceux qui ont un taux de CD4 très bas (un indicateur clé de la fonction immunitaire). La nouvelle analyse, présentée par Ana Hoxha de l’OMS, décrit les caractéristiques cliniques et les résultats des cas de Mpox chez les PVVIH en 2022. Elle est fondée sur plus de 82 000 cas avec des informations détaillées dans le système de surveillance mondial du Mpox de l’OMS. Des informations sur le statut du VIH étaient disponibles pour 39 % des cas signalés ; parmi ceux-ci, 52 % étaient des PVVIH. Parmi les personnes vivant avec le VIH pour lesquelles des informations étaient disponibles, 91 % ont déclaré être des HSH. Sur la base de la constatation que le VIH non contrôlé peut entraîner une morbidité disproportionnée du Mpox, l’équipe de recherche a conclu que les systèmes de santé doivent veiller à ce que les personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut et entrent rapidement dans le soin pour avoir accès à un traitement du VIH et atteindre une charge virale indétectable et une remontée des CD4. Les chercheurs-ses ont également souligné que pour les personnes dont le statut du VIH est inconnu, le dépistage du Mpox peut être une occasion importante de dépistage, de prévention et de prise en charge du VIH.
Source : Fred Lebreton – Luis Sagaon-Teyssier – Bruno Spire pour Seronet