Des comprimés de prophylaxie préexposition (PrEP) de marque Truvada, fabriqués par Gilead
Ce dimanche 23 juillet s’ouvre en Australie le 12e Congrès sur le VIH de la Société internationale sur le sida (IAS). Les succès de la prophylaxie dans les pays riches s’étendent aux pays pauvres… mais entraînent aussi d’autres problèmes.
La prophylaxie préexposition (PrEP) consiste à prendre des médicaments anti-VIH avant d’avoir des relations sexuelles non protégées à risque, par exemple avec des inconnus.
« Dans la plupart des programmes de prophylaxie préexposition, entre le quart et la moitié des patients abandonnent avant un an », explique Chase Cannon, infectiologue de l’Université de Washington qui va donner une conférence en Australie. « Les risques d’infection par le VIH dans les mois suivant un abandon sont très élevés. »
La PrEP est au cœur du 12e Congrès sur le VIH. Des chercheurs tentent de l’étendre aux pays pauvres, par exemple en la donnant à des jeunes adolescentes en Afrique subsaharienne pour diminuer le risque d’être infectées lors de leur première relation sexuelle.
Actuellement, la PrEP nécessite la prise de médicaments chaque jour. Des essais de PrEP à longue durée, sous la forme d’une injection protégeant six mois, sont en cours. Cela éliminerait la nécessité de retourner souvent à la clinique ou à la pharmacie.
« Pour le moment, la PrEP à longue durée ne marche que deux mois », explique Jean-Pierre Routy, un spécialiste du VIH à l’Université McGill qui participera à un panel sur l’immunothérapie et les anticorps monoclonaux à la conférence de l’IAS.
PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE
Le spécialiste du VIH à l’Université McGill Jean-Pierre Routy
« Après, il y a une baisse des globules blancs. Alors les essais vont être refaits avec des doses plus faibles. Il faut trouver une solution, parce que le phénomène de la PrEP fatigue est bien réel. Les gens se trouvent branchés, hot et bien portants, alors ils ont de la difficulté à accepter de prendre des pilules tous les jours. »
Morale et condom
La contribution de la PrEP à la hausse récente des infections transmissibles sexuellement (ITS), qui se fait davantage sentir chez les hommes que chez les femmes, soulève des débats. « Avec la PrEP, le mot “condom” n’existe plus, image le Dr Routy. Il faudrait au moins le porter avec un inconnu, quitte à l’enlever si on le revoit. La PrEP protège contre le VIH, mais pas contre les maladies vénériennes. C’est l’équivalent de réparer une route pour la rendre plus sûre : les gens ont tendance à rouler plus vite après. C’est pour ça qu’on voit toutes sortes d’essais de PrEP pour les ITS, ou alors de prophylaxie post-exposition (PEP). »
En avril, une étude californienne parue dans le New England Journal of Medicine (NEJM) a confirmé que la doxycycline, un antibiotique, réduit de plus de 60 % le risque de contracter une ITS si elle est prise dans les 72 heures suivant une relation sexuelle non protégée avec un inconnu. Ce résultat est encore meilleur que ceux d’une étude française, IPERGAY, dévoilés en 2018.
Anne Luetkemeyer, professeure de médecine et de maladies infectieuses de l’Université de Californie à San Francisco
« Je pense que la doxy-PEP devrait être adoptée comme traitement standard », indique Anne Luetkemeyer, de l’Université de Californie à San Francisco, l’auteure principale de l’étude du NEJM. Le Dr Routy signale qu’à Montréal, des médecins prescrivent déjà la doxy-PEP.
De son côté, le Dr Cannon doute que la PrEP soit responsable de la hausse du taux d’ITS.
Les patients qui prennent la PrEP ne semblent pas augmenter le nombre de leurs partenaires, alors le lien, selon moi, n’est pas clairement établi.
Chase Cannon, infectiologue de l’Université de Washington
Un autre conférencier du congrès, l’anthropologue Ryan Whitacre de l’Université de Californie à Berkeley, étudie les « sexualités émergentes ». « Il est clair que la PrEP a suscité beaucoup de créativité dans l’expérimentation sexuelle. Ça a mené à une montée du discours moralisateur sur la recherche du plaisir. » M. Whitacre ne pense pas non plus que la PrEP soit responsable de la montée des ITS.
Pandémie
Un autre volet important de la conférence de l’IAS porte sur les anticorps monoclonaux. « Leur succès contre la COVID-19 a fait faire de grands pas à ce secteur, dit le Dr Routy. Les anticorps monoclonaux injectables semblent pouvoir contrôler le VIH durant plusieurs mois, sans aucun autre traitement. Et on peut les envisager comme PrEP. Le problème, c’est qu’il faut différents anticorps monoclonaux pour différentes souches du VIH. Alors, ça introduit une nécessité de caractériser le virus, ce qui constitue un frein. »
L’an dernier, à la conférence internationale sur le sida de l’IAS, qui se tenait à Montréal, beaucoup d’espoirs étaient fondés sur un vaccin anti-VIH basé sur la technologie de l’ARN messager utilisée pour les vaccins de Moderna et Pfizer contre la COVID-19. « Il se peut qu’il y ait une annonce en Australie », dit le Dr Routy. Mais désormais, « on parle moins des vaccins ARNm contre le VIH ».
Source AT