Très forte augmentation des recours aux Urgences liés à la cocaïne


Dans un contexte de hausse des usages de la cocaïne en France, deux études se sont intéressées à l’évolution des passages aux Urgences liés à cette consommation depuis 2010 [12].

Les résultats, présentés lors du congrès Urgences 2023, montrent qu’aussi bien chez les adultes que chez les enfants, victimes collatérales, les chercheurs constatent une forte augmentation des intoxications.

A l’origine de ces recours croisants aux urgences, une plus grande accessibilité à cette drogue et une plus grande pureté des produits.

« En Europe, les saisies record de cocaïne témoignent d’une disponibilité exponentielle », a expliqué la Dre Isabelle Claudet (professeure de pédiatrie-Cheffe de service Urgences pédiatriques-CHU Toulouse) lors de la session poster.

« Il y a une hausse des consommateurs et il y a une augmentation de la pureté des produits qui fait que les consommateurs réguliers à une même dose vont avoir plus d’intoxications et plus de conséquences médicales », renchérit Yves Gallien (Santé Publique France) qui a présenté l’étude chez les adultes.

Triplement du taux de passage aux urgences chez les adultes en 13 ans

Concernant les urgences adultes, la première enquête, réalisée par Santé Publique France entre 2010 et 2022 fait état de 23 304 passages et 7773 hospitalisations en lien avec la cocaïne identifiés à l’aide du système de surveillance OSCOUR®. Le taux de passage a augmenté de manière continue de 8,6 à 21,2/100 000 entre 2010 et 2021, correspondant à un triplement des visites aux Urgences sur 13 ans.

Il s’agissait pour les trois quart d’hommes et de jeunes (médiane 32 ans [25;39]) avec près d’un tiers des patients hospitalisés après leur passage aux urgences.

« Les deux tiers viennent pour des complications médicales liées à leur consommation et l’autre tiers en raison de la dépendance ou du sevrage lié à leur consommation », a détaillé l’épidémiologiste Yves Gallien lors de sa présentation.

Si les résultats de cette enquête ne permettent pas une description fine des profils de consommateurs, Yves Gallien a précisé à Medscape édition française que « la consommation ne touche pas des populations ciblées mais une population large dans différents cercles sociaux que l’on ne soupçonne pas forcément de prime abord. Il y a notamment une augmentation de la consommation chez les femmes », souligne-t-il.

Les enfants victimes collatérales

La deuxième étude, qui s’est intéressée aux admissions en services d’urgences pédiatriques en France a été menée rétrospectivement sur la période de 2010-2020.

Et là encore le constat est édifiant : les admissions annuelles ont augmenté d’un facteur 8 sur les 11 années (+700%). En outre, 57% de tous les cas étaient admis sur les deux dernières années.

« Les enfants sont des victimes collatérales de l’évolution de la circulation, de la disponibilité et de la concentration de la cocaïne. Les admissions en SU et les présentations graves sont en augmentation. Ce constat représente un problème majeur de santé publique », soulignent les chercheurs.

En tout sur la décennie, 74 enfants de moins de 15 ans ont été admis aux Urgences pour exposition/intoxication à la cocaïne. Il s’agissait pour 46% des cas d’enfants de moins de 6 ans. Les signes cliniques principaux étaient : neurologiques (59%) et cardiovasculaires (34%).

Douze patients ont été transférés en réanimation. Les facteurs de risque associés à ce transfert étaient : être initialement admis au déchocage (p<0,001), présenter une détresse respiratoire (p<0,01), une mydriase (p<0,01), des symptômes cardiovasculaires (p=0,014), être âgé de moins de 2 ans (p=0,014).

Autre signe alarmant, le screening toxicologique du sang et/ou des urines identifiait 18 autres molécules chez 46 enfants (66%).

« Le fardeau sur le système de santé de la consommation de cocaïne appelle à poursuivre sa surveillance et à renforcer les politiques publiques en matière de prévention et de prise en charge », a conclu le chercheur Yves Galien lors de sa présentation.

Face à ce problème, il convient aussi de renforcer les liens entre structures médico-sociales d’addictologie et de santé somatiques pour améliorer la prévention et mieux accompagner les usagers, a expliqué pour sa part Sacha Hertzog (Fédération Addiction, Paris) lors d’une autre présentation [3].

Ce dernier ajoute que les médecins généralistes peuvent jouer un rôle important pour le repérage et la prise en charge des patients.

« Le médecin généraliste est tout à fait apte à faire de l’addictologie mais certains hésitent parfois par peur d’être complètement embolisé par les consultations d’addictologie au dépend de autres consultations », explique-t-il.

Cet article a été écrit par Aude Lecrubier et initialement publié sur Medsdcape.


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