- Une équipe de recherche canadienne a interrogé 42 personnes sur leurs attitudes à l’égard de la PrEP injectable à longue durée d’action
- De nombreuses personnes étaient enthousiastes à l’idée de pouvoir utiliser la PrEP injectable après son approbation
- Certaines personnes ont soulevé des préoccupations concernant les coûts et d’autres obstacles éventuels à l’usage de la PrEP injectable
Une méthode très efficace de réduire le risque de contracter le VIH lors d’une relation sexuelle consiste à utiliser la prophylaxie pré-exposition au VIH (PrEP). Au Canada, la PrEP repose sur la prise de l’une des associations de médicaments anti-VIH suivantes, sous forme de comprimé unique :
- Truvada et versions génériques : ténofovir DF + FTC (emtricitabine)
- Descovy : ténofovir alafénamide (TAF) + FTC
Selon des équipes de recherche canadiennes, ces associations se prennent habituellement sous forme de comprimé unique une fois par jour, mais certaines personnes suivent un schéma posologique dit « à la demande ». Pour obtenir plus d’information sur la PrEP, cliquez ici.
En plus de prendre des médicaments, les personnes sous PrEP doivent passer régulièrement des tests de dépistage du VIH et d’autres infections transmissibles sexuellement (ITS) et faire suivre l’état de santé de leurs reins. Ces dépistages peuvent nécessiter des consultations périodiques dans un laboratoire ou une clinique. Il est également nécessaire de renouveler régulièrement ses ordonnances pour la PrEP, ce qui nécessite habituellement une consultation dans une clinique.
PrEP à longue durée d’action
En décembre 2021, les États-Unis ont approuvé une formulation injectable à longue durée d’action de la PrEP (quelques autres pays leur ont emboîté le pas depuis). Cette version, qui se vend sous le nom de marque Apretude, consiste en une formulation à longue durée d’action du médicament anti-VIH cabotégravir. Ce dernier est injecté profondément dans les muscles du fessier tous les deux mois, ce qui doit être fait par un·e professionnel·le de la santé. Le cabotégravir à longue durée d’action n’est pas encore approuvé au Canada pour la prévention du VIH, mais cela pourrait se produire en 2024.
Pour connaître les attitudes de certaines personnes à l’égard de la PrEP à longue durée d’action et des enjeux se rapportant à l’accessibilité et à l’utilisation, une équipe de recherche de l’Ontario et de la Colombie-Britannique a interrogé 22 membres de la communauté, dont certains utilisaient déjà la PrEP orale et d’autres non. Toutes les personnes en question s’identifiaient comme hommes gais, bisexuels, queers ou d’autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. De plus, l’équipe de recherche a recueilli les commentaires de 20 intervenant·e·s important·e·s, y compris professionnel·le·s de la santé, responsables de la santé publique et employé·e·s d’organismes non gouvernementaux (ONG). Les 42 personnes participant à l’étude vivaient toutes en Ontario, et les entrevues ont eu lieu entre juin et octobre 2021.
Résultats saillants
L’équipe de recherche a résumé ainsi ses principaux résultats :
Attitudes des membres de la communauté
- 33 % des membres de la communauté avaient entendu parler de la PrEP injectable.
- L’équipe de recherche a décrit comme généralement « enthousiastes » les attitudes à l’égard de la PrEP injectable.
- Selon l’équipe de recherche, de nombreux utilisateurs de la PrEP orale souhaitaient passer à la PrEP injectable parce qu’ils la considéraient comme plus pratique et comme un moyen d’améliorer l’observance thérapeutique.
- Certaines personnes ne prévoyaient pas utiliser la PrEP injectable à cause de la peur ou la douleur causée par les aiguilles.
Attitudes des intervenant·e·s important·e·s
- En général, les intervenant·e·s considéraient la PrEP injectable comme prometteuse parce qu’elle était susceptible d’améliorer l’accès à la PrEP et de permettre à des populations marginalisées d’utiliser une méthode de prévention du VIH hautement efficace.
- Certaines personnes s’inquiétaient de voir la demande pour la PrEP injectable devenir un fardeau pour les cliniques, lesquelles pourraient avoir besoin de plus de temps et/ou de personnel.
- Le coût potentiel de la PrEP injectable a été soulevé, car, si le prix de cette dernière était trop élevé, il pourrait devenir un obstacle à l’accès.
À retenir
L’approbation de la PrEP injectable constituerait un progrès majeur pour la prévention du VIH au Canada. Cependant, l’instauration de services de PrEP injectable dans les cliniques et l’assurance de son accessibilité à toutes les populations susceptibles d’en bénéficier se heurteraient sans doute à des difficultés. D’autres études seront nécessaires pour éclairer les enjeux qui pourraient compromettre l’accessibilité de la PrEP à longue durée d’action dès qu’elle sera approuvée.
Détails de l’étude
Au moment des entrevues, 13 des 22 membres de la communauté se servaient de la PrEP, trois d’entre eux l’avaient utilisée antérieurement et six autres ne l’avaient jamais utilisée. La plupart des hommes avaient entre 19 et 49 ans. Vingt d’entre eux s’identifiaient comme cisgenres et deux autres comme transgenres.
Résultats – membres de la communauté
Personnes utilisant ou ayant utilisé la PrEP
Les personnes ayant recours à la PrEP ou y ayant eu recours avaient des opinions favorables à l’égard de la version injectable de celle-ci, et un grand nombre d’entre elles souhaitaient l’utiliser. Selon l’équipe de recherche, « de nombreux utilisateurs de la PrEP ont exprimé de l’enthousiasme à l’égard de la PrEP injectable et souhaitaient y avoir recours en raison de son apparente commodité ». Une personne a affirmé à l’équipe que « l’idée d’une dose qui dure deux mois chaque fois est très attrayante ».
Certains membres de la communauté ont décrit la prise quotidienne de comprimés comme une « corvée ». De plus, des personnes utilisant actuellement la PrEP ont dévoilé qu’ils avaient de la difficulté à trouver une heure fixe pour la prendre tous les jours. Certains participants ont aussi mentionné que le renouvellement des ordonnances peut prendre parfois beaucoup de temps.
Les participants n’étaient pas certains si l’utilisation de la PrEP injectable nécessitera davantage de consultations auprès d’un·e professionnel·le·s de la santé que la PrEP orale. Si plus de consultations s’avéraient nécessaires, cela serait perçu comme un obstacle à l’usage de la PrEP injectable.
Deux personnes qui utilisaient ou avaient utilisé la PrEP orale appréciaient le progrès technologique que constituait la PrEP injectable. Elles étaient toutefois d’avis que la prise de comprimés offrait un avantage, à savoir maîtriser leur protection en utilisant la version orale plutôt qu’avec la version injectable de la PrEP, laquelle doit être administrée par un·e professionnel·le de la santé.
Selon l’équipe de recherche, « de nombreux utilisateurs de la PrEP » ont affirmé que le fait d’avoir accès à une formulation injectable faciliterait leur observance thérapeutique grâce à la faible fréquence des doses. Certains participants ont fait valoir que la PrEP injectable offrirait un avantage comparativement à la PrEP orale dans les situations suivantes :
- oublis de comprimés
- emploi du temps irrégulier
- voyages
Un utilisateur de la PrEP a affirmé ceci : « Je reçois une injection [pour des allergies] chaque mois. C’est tellement plus facile, et on ne serait pas obligé d’y penser tout le temps. Avec la PrEP, chaque fois que je veux passer la nuit chez quelqu’un […] ou que j’ai envie de voyager, je dois toujours penser « n’oublie pas la PrEP, n’oublie pas la PrEP », et ce serait agréable d’avoir une préoccupation de moins ».
Personnes n’ayant jamais utilisé la PrEP
L’équipe de recherche a constaté que même les personnes qui n’avaient jamais utilisé la PrEP orale considéraient plutôt favorablement la PrEP injectable en tant que progrès technologique. Ces personnes ont vite compris les bienfaits potentiels de la PrEP injectable. Il reste que certaines personnes qui n’avaient jamais utilisé la PrEP orale ont exprimé de la réticence à l’idée d’utiliser la PrEP injectable à l’avenir pour les raisons suivantes :
- désir d’éviter les injections
- confiance dans leurs stratégies en matière de sexe à moindres risques
- impression de courir un très faible risque de contracter le VIH
Résultats – intervenant·e·s important·e·s
En tant que groupe, les intervenant·e·s important·e·s étaient optimistes à l’égard du grand potentiel de la PrEP injectable. Spécifiquement, on la considérait comme plus efficace que la PrEP orale et un facilitateur probable de l’observance. Quelques professionnel·le·s de la santé croyaient que la PrEP injectable donnerait lieu à plus de contacts avec les utilisateur·trice·s et, ainsi, à un renforcement des relations entre clinicien·ne·s et patient·e·s.
Des intervenant·e·s étaient d’avis que la PrEP injectable s’intégrerait mieux dans la vie des populations marginalisées que la PrEP orale. Cependant, selon l’équipe de recherche, certain·e·s intervenant·e·s ont souligné que les personnes sous PrEP injectable « auraient toujours besoin de respecter leurs rendez-vous médicaux en retournant à la clinique tous les deux mois ». Plusieurs professionnel·le·s de la santé avaient des préoccupations concernant la capacité de certaines personnes à maintenir une telle fréquence de consultations pour recevoir les injections de PrEP.
Enjeux liés au coût
Des préoccupations ont été soulevées par des membres de la communauté et par des intervenant·e·s important·e·s quant au coût éventuel de la PrEP injectable. Certains participants craignaient que le coût de la PrEP injectable soit relativement élevé pour la personne moyenne susceptible d’en bénéficier.
Au Canada, chaque province et territoire maintient une liste de médicaments que son gouvernement accepte de subventionner. On appelle couramment celle-ci sa liste de médicaments assurés. Une fois qu’un médicament est approuvé par les autorités réglementaires, les provinces et territoires entament des négociations avec la compagnie pharmaceutique en question afin de déterminer quel prix ils sont prêts à payer afin que le médicament soit couvert par la liste de médicaments assurés. Il est important que le prix de la PrEP soit fixé de façon responsable afin de permettre aux compagnies pharmaceutiques de faire des profits tout en évitant que les budgets des régimes d’assurance médicaments provinciaux et territoriaux soient surchargés (rappelons que ces derniers couvrent déjà de très nombreux médicaments pour des millions de personnes).
L’inclusion de la PrEP injectable sur les listes de médicaments provinciales et territoriales contribuerait bien à la rendre accessible à plus grande échelle. Cependant, dans certaines provinces, l’accès à la liste de médicaments entraîne des coûts pour les patient·e·s si une franchise ou une quote-part est exigée. Pour certaines personnes, l’obligation de payer de sa poche constitue un obstacle à l’accès.
Enjeux liés à la mise à disposition
Le cabotégravir est fabriqué par ViiV Healthcare. À l’heure actuelle, une formulation à longue durée d’action du cabotégravir est l’un des deux médicaments figurant dans un traitement injectable contre le VIH. Cette association thérapeutique de deux médicaments se vend sous le nom de marque Cabenuva.
ViiV a financé un programme de soutien destiné aux personnes utilisant Cabenuva. Voici une description simplifiée du programme : si des médecins et patient·e·s conviennent d’utiliser Cabenuva comme traitement et d’avoir recours au programme de soutien, les médecins inscrivent les patient·e·s à ce dernier. En consultation avec les patient·e·s, les responsables du programme choisissent la pharmacie qui dispensera Cabenuva, ainsi que le meilleur endroit pour recevoir les injections auprès du personnel infirmier du programme. Ces services sont offerts gratuitement.
Comme la PrEP injectable n’est pas encore approuvée au Canada, nous ne savons pas si ViiV établira un programme de soutien destiné aux personnes qui se la feront prescrire à l’avenir.
Facteurs qui rendent la vie plus difficile
Certaines personnes vivent aux prises avec de nombreux problèmes — dépendance aux drogues, itinérance, troubles de santé mentale, pauvreté — qui compromettent leur capacité de respecter leurs rendez-vous et d’obtenir soins médicaux et médicaments. Des programmes de soutien complets sont nécessaires pour faire face à ces problèmes. Non seulement un tel soutien aiderait des membres vulnérables de la société, mais il leur faciliterait aussi l’accès à la PrEP injectable et leur permettrait de participer à réduire la propagation du VIH.
Cliniques offrant des services de PrEP
Si l’on souhaite que la PrEP injectable soit utilisée par plus de personnes, les cliniques offrant des services de santé sexuelle auront besoin de fonds additionnels pour assurer l’affectation de personnel dédié et pour renseigner les prestataires de services sur les enjeux liés à l’usage de la PrEP injectable.
Promotion au sein de la communauté
Selon l’équipe de recherche, une fois que la PrEP injectable sera approuvée au Canada, une campagne promotionnelle sera nécessaire pour faire connaître cette option de prévention du VIH dans la communauté.
À l’avenir
La PrEP injectable comme option de prévention du VIH suscite de l’enthousiasme, et il y a lieu d’espérer qu’elle sera approuvée au Canada en 2024. Il reste cependant beaucoup de travail à faire pour ouvrir la voie à la PrEP injectable et s’assurer qu’elle sera envisageable comme option pour une grande variété de personnes courant le risque de contracter le VIH et leurs professionnel·le·s de la santé.
—Sean R. Hosein