L’association Aremedia a participé à la dernière convention de Sidaction (juin 2023) avec une présentation sur le thème « Violences sexuelles et (non) consentement dans le chemsex » parmi les HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes). Abordant le contexte, les deux auteurs de cette présentation — le Dr Marc Shelly, médecin de santé publique et addictologue à l’Hôpital Fernand-Widal (AP-HP) et David Moreau, biostatisticien, ingénieur de recherche, tous deux membres d’Aremedia — ont rappelé que « durant la vie entière, les événements sexuels traumatiques sont très fréquents dans les trajectoires biographiques de nombreux HSH. Parfois, dès le premier rapport (et souvent à un âge précoce) ». Une recherche de 2021 rapporte ainsi que 18,1 % des HSH relatent au moins une expérience de « sexe non consenti » (en dehors du chemsex) au cours des 5 dernières années. Le rapport de 2022 du professeur Amine Benyamina consacré au chemsex fait état de trois études récentes dont les résultats sont convergents concernant les violences et la question du consentement en contexte de chemsex. La présentation s’est ensuite axée sur l’existence d’un lien entre « abus sexuels dans l’enfance » et « implication régulière dans le chemsex ». Pour les deux auteurs, le postulat est le suivant : « Qui que l’on soit, quels que soient notre sexe, notre orientation sexuelle ou notre identité de genre », l’abus sexuel dit « précoce », défini comme le contact génital forcé avant l’âge de 13 ans perpétré par un adulte, selon la définition américaine », « expose, à l’adolescence et à l’âge adulte à s’impliquer dans un large spectre de comportements à risque à répétition ». Lesquels ? Sont mentionnés dans la présentation : la sexualité non protégée, le multi-partenariat (surexposant au VIH et autres IST, l’usage chronique de substances psychoactives licites ou illicites dont la consommation de substance psychoactives en contexte sexuel, la sur-suicidalité, la sur-accidentalité sur la voie publique, etc. Voilà pour la doctrine générale. Les deux auteurs sont ensuite partis de leurs « observations cliniques » dans la cadre d’une consultation de santé sexuelle en Cegidd (centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par le VIH et les hépatites virales et les infections sexuellement transmissibles) ; elles concernent des HSH « impliqués dans la pratique régulière du chemsex ». Dans leur présentation, Marc Shelly et David Moreau préviennent que ce travail « n’est, en aucun cas, une tentative de psychiatrisation (voire de stigmatisation victimaire) de la pratique du chemsex (ou même de l’ensemble de la communauté HSH », il se « limite à mettre en évidence un facteur de risque (dit de vulnérabilité) pour l’implication de certains dans la pratique régulière (usage problématique) du chemsex ». Qu’explique cette étude exploratoire ? Elle porte sur 25 HSH de l’adolescence à l’âge adulte, dont l’âge médian est de 23 ans. La population est non sélectionnée vivant principalement à Paris et dans sa région. Les auteurs expliquent que cette étude exploratoire n’est pas, a priori, représentative de l’ensemble de la population HSH. Elle n’est pas une enquête épidémiologique, elle entend « identifier diverse sa variables significativement associées au fait d’avoir été victime d’abus sexuel ». Les grandes lignes des résultats : le fait de ne pas avoir de partenaire stable (multi-partenariat) et de « ne pas se protéger avec un partenaire à risque inconnu » sont des marqueurs de la surexposition au VIH et autres IST chez les HSH impliqués dans la pratique régulière du chemsex. Dans cette étude, la consommation fréquente de médicaments psychotropes (benzodiazépines, antidépresseurs) apparaît comme un marqueur de la sur-prévalence des troubles anxieux et dépressifs chez les HSH impliqués dans la pratique régulière du chemsex. Et les auteurs de conclure : « Le fait d’avoir subi un abus sexuel dans l’enfance paraît constituer un puissant facteur de vulnérabilité (ou facteur de risque) pour l’implication à l’âge adulte dans la pratique régulière du chemsex (presque six fois plus) ». « Il semble donc indispensable d’inscrire ce psycho-traumatisme majeur dans la prise en charge globale de ce comportement, notamment dans une perspective élargie de réduction des risques et dommages ». Et de poursuivre : « Il paraît nécessaire se sensibiliser et former à cette problématique jusqu’ici ignorée les praticiens exerçant en Cegidds, les prepologues et les infectiologues, les addictologues, psychologues cliniciens, sexologues et psychiatres ainsi que les acteurs associatifs communautaires (…) afin de réduire les occasion manquées (et les pertes de chance qu’elles entraînent) de dépister et, le cas échéant, de prendre en charge ce psycho-traumatisme précoce en cas d’implication régulière dans la pratique du chemsex ».
Source : Action Traitement