«J’avais peur de faire rire de moi»: des hommes hétéros vivant avec le VIH se confient


Plus d’hommes hétérosexuels que d’hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes ont contracté le VIH au Royaume-Uni en 2020. Dans l’esprit de bien des gens, le VIH reste pourtant associé à la communauté gaie. On a parlé de la stigmatisation liée au VIH avec deux hommes hétéros qui vivent avec le virus depuis des années.  

Quand Yvon a appris qu’il était porteur du VIH au milieu des années 90, il ne savait même pas ce que cela voulait dire.   

«On entendait parler du sida et ça, ça me faisait vraiment peur. Mais le VIH, au début, je ne savais pas c’était quoi. Et là, je l’ai appris, ils me l’ont expliqué un peu. J’ai pleuré, je me demandais pourquoi», raconte-t-il à 24 heures. 

Des préjugés tenaces 

De peur d’être jugé, celui qui travaillait dans le domaine de la construction n’a jamais révélé à ses amis et collègues être séropositif.    

«J’avais peur que le monde ait peur de toucher à mes outils. […] J’avais peur de me faire juger, de faire rire de moi», confie l’homme, qui est aujourd’hui à la retraite.   

«Je travaillais et personne n’était au courant. Je toughais mes journées de peine et de misère, mais je voulais absolument travailler», poursuit-il.   

Après avoir révélé à sa famille qu’il était porteur du VIH, il a observé des changements de comportements lors d’un souper.   

«Je me suis rendu compte, pendant le souper, que je n’avais pas une assiette et des ustensiles comme les autres. Après le souper, ils ont tout jeté mes affaires. Le monde, dans ce temps-là, était moins informé sur la maladie», regrette-t-il.   

Ce souper l’a d’ailleurs beaucoup marqué.  

«Je me sentais comme sale. Je ne me sentais pas bien, je me sentais jugé, je me sentais diminué et je me sentais minable. C’est comme ça qu’on se sent, souvent, avec cette maladie-là. C’est beaucoup moins pire maintenant, mais avant, c’était comme ça.»

Aujourd’hui, Yvon s’estime chanceux dans sa malchance. Sa médication lui permet de mener une vie normale.   

«Je suis indétectable, j’ai une bonne vie. […] J’ai une belle blonde, j’ai des beaux petits enfants, j’ai une belle maison, je me sens vraiment privilégié.»  

Peur de la peur des autres 

Comme Yvon, Alain a longtemps gardé son diagnostic de VIH pour lui, craignant le jugement des autres.   

«J’en ai parlé seulement à mon épouse et à mes parents. Jamais je n’en ai parlé à mes amis, jamais je n’en ai parlé à mon travail. J’étais très discret à ce niveau-là», explique-t-il.   

«J’ai trop vu des gens se faire juger et vivre de la discrimination au travail et dans leur vie, se faire rejeter par la famille.»

Ouvrir ses horizons  

Alain l’admet: il a longtemps trouvé difficile que le virus soit associé à la communauté gaie.   

«C’est sûr qu’en étant hétérosexuel, je ne voulais pas qu’on m’identifie comme un homosexuel qui était atteint du VIH. Mon identité sexuelle, j’y tenais fortement. Je me trouvais dans une minorité parmi une minorité», souligne-t-il.  

Au fil du temps, sa séropositivité lui a toutefois permis de se rapprocher de la communauté gaie.   

«Les services qu’on offre au niveau du VIH et de la prévention (…) ont été créés par les hommes gais et sont encore soutenus par la communauté gaie. Alors j’ai dû évoluer, moi aussi. Qu’on soit gai, qu’on soit trans, qu’on soit bi, qu’on soit hétéro, la maladie est la même pour chacun. J’ai décidé d’ouvrir mes horizons et [maintenant], j’ai plus d’amis gais que n’importe qui», affirme-t-il. 

Julien Bouthillier


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