Récemment, l’Onusida organisait un événement de haut niveau : la Global HIV Prevention Coalition, pour « raffermir la volonté politique, lutter contre les politiques et les lois qui alimentent les inégalités et les pandémies, obtenir des financements supplémentaires et garantir la mise en œuvre de programmes efficaces à grande échelle », tout particulièrement dans la lutte contre le sida. Explications.
Assez régulièrement (c’est d’ailleurs dans ses fonctions), l’Onusida s’efforce de convaincre les États de « tirer pleinement parti des nouvelles occasions de renforcer les financements, d’étendre les nouvelles techniques de prévention du VIH et de faciliter la lutte contre le VIH ». L’institution onusienne rappelle, avec constance, que l’action aujourd’hui « accélérera les progrès pour éradiquer le sida et riposter aux pandémies actuelles et futures ». À l’occasion de la tenue de la Global HIV Prevention Coalition, l’Onusida a donc réuni des ministres de la Santé, des leaders-ses et des spécialistes de la santé mondiale autour de ces enjeux. Pour sa part, Winnie Byanyima, la directrice exécutive de l’Onusida, a expliqué qu’une « telle possibilité de prévenir le VIH ne s’est encore jamais présentée ». « Nous disposons d’outils et de technologies, mais aucun n’est disponible à suffisamment grande échelle. Pour être à la hauteur de cette opportunité unique, nous avons besoin d’un leadership audacieux et d’investissements renouvelés en faveur de la prévention du VIH afin de fournir des choix de prévention efficaces à tous ceux et toutes celles qui en ont besoin », a-t-elle poursuivi dans un argumentaire bien rodé.
Reste à convaincre les États. Certains chiffres peuvent sans doute y contribuer. En 2021, 1,5 million de nouvelles infections au VIH ont été recensées dans le monde, soit plus de trois fois l’objectif de 500 000 fixé pour fin 2021. L’objectif pour 2025 est de ramener les nouvelles infections au VIH à moins de 370 000. Pour y parvenir, les pays devront les réduire de 82,5 % par rapport à 2010 ; on voit mal comment cela pourrait être possible. « C’est la meilleure chance que nous ayons jamais eue, dans toute l’histoire de la pandémie de sida, de réinventer la prévention du VIH et de le faire avec équité et en ayant vraiment un impact », a déclaré le co-président de la Global HIV Prevention Coalition, Mitchell Warren, cité dans un communiqué de l’Onusida. Parmi les 28 pays concernés par la Global HIV Prevention Coalition, une nouvelle analyse des données de l’Onusida montre que cinq pays (Côte-d’Ivoire, Zimbabwe, Malawi, Lesotho et Iran) ont réduit les nouvelles infections au VIH de plus de 61 % entre 2010 et 2021, soit le niveau de progression nécessaire. Ce recul dépasse 40 % dans douze autres pays. Par ailleurs, des données montrent également que les nouvelles infections au VIH augmentent dans 38 pays, dont certains sont fortement touchés par l’épidémie de VIH. D’autres signaux inquiètent. Ainsi, les programmes de prévention du VIH destinés aux adolescentes et aux jeunes femmes n’existent que dans 41 % des zones où l’incidence du VIH va de moyenne à élevée en Afrique subsaharienne.
Autre élément : dans les pays de la Coalition, 63 % des travailleurs et travailleuses du sexe, 49 % des gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et 36 % des consommateurs et consommatrices de drogues injectables ont bénéficié des services de prévention du VIH en 2021. Ce qui n’est pas assez. La forte stigmatisation dans les services de santé courants, la criminalisation de ces populations, les pratiques répressives néfastes, ainsi que les barrières au genre et les entraves structurelles continuent d’entraver l’accès à ces services par les populations clés, affirme l’Onusida. À cela s’ajoute le fait que les « programmes de lutte contre le VIH fondés sur les preuves et les droits, qui impliquent véritablement les populations clés, ne font tout simplement pas l’objet d’investissements suffisants et ne sont pas déployés à grande échelle ». Ainsi, concernant les personnes consommatrices de drogues, seulement 2 % d’entre elles vivent dans des pays où les services fondamentaux de réduction des risques ont une bonne couverture, explique Judy Chang de l’International Network of People and Use Drugs. « Si nous n’investissons pas sur la base d’une logique de santé publique, mais que nous le faisons sur la base d’intérêts soi-disant moraux, alors nous échouerons en matière de santé mondiale. Nous avons besoin que les pays investissent pleinement dans la prévention du VIH et les systèmes communautaires ».
L’accès aux préservatifs, à la Prep et à la circoncision masculine médicale volontaire, demeure très inégal. Seuls, l’Ouganda et le Zimbabwe couvrent plus de 80 % des besoins de distribution de préservatifs. Des données montrent également une baisse de l’utilisation du préservatif dans plusieurs pays, après 2015. Bien que l’utilisation de la Prep ait rapidement augmenté dans les 28 pays cibles, les chiffres sont restés très faibles avec 1,5 million de bénéficiaires à la fin de 2021 par rapport à l’objectif mondial de plus de 10 millions ! Enfin, le nombre d’hommes optant pour la circoncision masculine médicale volontaire dans le cadre de la prévention du VIH (des études montrent que cette intervention réduit de 60 % maximum le risque d’infection pour les hommes) dépassait toujours les quatre millions par an entre 2017 et 2019, mais a diminué de 40 % en 2020 et en 2021 (atteignant 2,8 millions en 2021). Seules l’Éthiopie, la Tanzanie et la Zambie ont atteint les objectifs fixés dans la Stratégie mondiale de lutte contre le sida 2021-2026.
Comme on le voit, les objectifs sont encore loin d’être atteints et ce n’est sans doute pas la dernière fois que l’Onusida appelle les États au sursaut.
Source : jfl-seronet