L’envoi à domicile d’un kit d’autoprélèvement vaginal pour recherche des papillomavirus humains à haut risque (HPV- HR) a permis de presque doubler le taux de participation au dépistage du cancer du col de l’utérus parmi des populations éloignées des soins, selon un essai randomisé mené aux États-Unis. Publiée dans « The Lancet Public Health », cette étude confirme l’intérêt des démarches d’« aller vers » pour améliorer les taux de participation. Cette approche est également envisagée en France.
L’essai a été réalisé auprès de 665 femmes (âge moyen de 42 ans) sous-dépistées en Caroline du Nord, aux États-Unis, pays où le cancer du col de l’utérus a « l’incidence la plus élevée chez les femmes hispaniques et la mortalité la plus élevée chez les femmes noires », met en contexte un communiqué des Instituts nationaux de la santé américains (NIH).
Un processus à optimiser de bout en bout
Pour recruter des femmes éloignées des soins, l’essai a été précédé de campagnes de sensibilisation communautaire (publicités imprimées et radiophoniques, publications en ligne, appui sur une ligne téléphonique d’assistance sociale). Parmi les participantes, 55 % se sont déclarées noires ou hispaniques, 78 % n’étaient pas assurées et 57 % étaient au chômage. Toutes ont bénéficié une assistance téléphonique à la prise de rendez-vous en cabinet, le groupe intervention a reçu en plus un kit de dépistage à domicile.
Pour les participantes qui ont reçu des kits, le taux de participation était de 72 %, contre 37 % chez celles qui ont reçu seulement une aide pour prendre rendez-vous. Et, toujours parmi les femmes ayant reçu un kit, plus des trois quarts (78 %, 341 sur 438) ont renvoyé un échantillon. Des résultats valides ont été obtenus pour 329 participantes. Quelque 16 % ont été testées positives pour le HPV et référées pour des rendez-vous de suivi, auxquels 42 % ont assisté.
« Nos résultats suggèrent que les programmes qui utilisent des kits HPV envoyés par la poste avec une sensibilisation communautaire efficace peuvent grandement améliorer le recours au dépistage chez les femmes sous-dépistées et à risque », résume l’autrice principale, Jennifer Smith, de l’université de Caroline du Nord à Chapel Hill. L’implémentation de ce dispositif « aurait un impact énorme » sur le dépistage, ajoute Noel Brewer, co-auteur.
Pourtant, les auteurs soulignent que moins de la moitié des participantes ayant des résultats positifs au HPV ont ensuite eu un rendez-vous en cabinet, « ce qui souligne la nécessité de déployer des efforts supplémentaires pour assurer la continuité des soins parmi celles dont les résultats d’autotest sont positifs ».
L’étude fournit « la preuve requise que l’autoprélèvement vaginal peut être une stratégie efficace pour les populations difficiles à atteindre », est-il estimé dans un commentaire associé, qui appelle à optimiser l’ensemble du processus de prévention du cancer du col de l’utérus aux États-Unis.
Vers un déploiement en France
En France, cette modalité de dépistage est également envisagée. Plusieurs expérimentations ont été menées pour évaluer sa pertinence. En 2017, Santé publique France publiait les résultats d’un essai randomisé en Indre-et-Loire. L’autoprélèvement vaginal « est une méthode efficace pour augmenter la participation au dépistage du cancer du col de l’utérus », concluait SPF.
En mai 2022, l’Institut national du cancer (Inca) a validé l’introduction de l’autoprélèvement pour le test virologique dans le dépistage organisé. « La crise du Covid a mis en lumière l’intérêt de l’autoprélèvement vaginal », mais « ce n’est pas prêt du tout, l’Inca prend de l’avance », estimait alors le Pr Xavier Carcopino, gynécologue-obstétricien à Marseille et vice-président de la Société française de colposcopie et de pathologie cervico-vaginale (SFCPCV).
Malgré ses avantages pour atteindre les populations non dépistées, les professionnels s’interrogent sur le parcours à proposer en cas de résultat positif. « Si le test est positif, les femmes n’ont pas de référent vers qui se tourner, soulignait la Dr Christine Bergeron, anatomopathologiste, présidente de Cerbapath et de la SFCPCV. Que vont-elles faire du résultat sans information préalable ? Des expérimentations montrent que beaucoup de femmes sont perdues de vue. On perd d’un côté ce que l’on gagne de l’autre. Il faut que ce soit bien encadré. » Pour la SFCPCV, l’envoi du kit devrait se faire lors de la relance chez les femmes de 30 à 65 ans qui ne se font jamais dépister, c’est-à-dire 12 mois après le premier courrier d’invitation.
Source : Elsa Bellanger pour Le Quotidien des Médecins