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Les quinquas, les sexas et les septuas… Oui, c’est à vous qu’on cause. Les courbes (statistiques, pas les autres) sont claires : les cas de maladies sexuellement transmissibles augmentent après 50 ans, chez les « hétéros ».
Ce n’est ni du badinage ni de la légèreté. Un sujet sexe dans La Montagne ?
Certes, mais pour parler prévention. Les spécialistes – biologistes, épidémiologistes et infectiologues – ne sont pas ravis quand ils examinent les statistiques et les courbes (notamment les données agrégées par Santé publique France, juin 2023) : certaines augmentent, alors qu’elles ne le devraient pas.
HIV (Sida), syphilis, blennorragie à gonocoque (la fameuse « chaude-pisse » ou « chtouille »), mycoplasma genitalium, chlamydias, hépatite B…
Des mots qu’on n’a pas envie d’entendre (et peu agréables à écrire).
Et une réalité qu’on n’a pas du tout envie d’expérimenter (en vrac) : immunité en berne, éruptions cutanées, ulcères, inflammation, pertes de cheveux, brûlures à la miction, lésions des organes, fièvre, et on en passe de toutes les couleurs. Des maux liés à des infections virales, bactériennes ou parasitaires.
Les plus exposés ne sont pas ceux qu’on croit
Et pourtant, avant l’été – see, sex, sun… et protections ! –, il nous fallait en parler, car tout cela est toujours bien présent : « Nous voyons bien qu’il y a des populations plus exposées que d’autres, en travaillant sur l’évolution de l’épidémie du VIH, par exemple », analyse la Dr Fanny Anthony-Moumouni, biologiste et cheffe du centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (Cegidd) du centre hospitalier de Moulins-Yzeure. « Nous voyons de plus en plus de patients en phase Sida, en phase avancée de la maladie. On était à 24 % parmi les patients HIV positifs avant le Covid. Aujourd’hui, on est à 30 % ».
Conclusion : « Notre message ne passe pas auprès des bonnes personnes. Les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes ou les personnes en situation de prostitution sont informés, dépistés, je les vois. Ils prennent le traitement préventif PrEP ».
Des jeunes et des hommes ayant des relations avec des hommes très sensibilisés
Les infections ont même « baissé dans les populations homosexuelles », sauf ceux qui “pratiquent en secret” et qui, de fait, ne se font ni suivre ni dépister.
Et les jeunes, « les moins de 25 ans, sont très sensibilisés. Quand on fait des sessions de dépistage aux Mariniers à Moulins, on peut en voir jusqu’à 70 en une soirée ».
Encore une idée reçue, méfions-nous aussi des « personnes qui présentent bien » : une prostituée peut être mieux protégée que la “sainte-nitouche”.
Une tranche de population préoccupe ainsi particulièrement la docteure : « Les personnes hétérosexuelles d’un certain âge, on les voit très peu en dépistage et malheureusement davantage en phase avancée de la maladie ».
C’est-à-dire que les plus de 50 ans, hommes et femmes nés en France ou à l’étranger, se protègent peu, voire pas du tout et ne vérifient pas leur état de santé sexuelle, que leur partenaire soit régulier ou non, officiel ou non. Allez, y’a plus de risque de faire des bébés, c’est la liberté ? La descente peut être brutale : « À Moulins, nous avons eu récemment trois de ces patients en phase Sida. Un est décédé ; un a des séquelles graves ».
Le chancre de la syphilis, à repérer !
Et s’il n’y avait que le HIV, qui ne se soigne pas, mais avec lequel on peut désormais vivre, en suivant un traitement (la recherche a fait des progrès gigantesques).
« On voit arriver des blennorragies, car ça ne peut pas être ignoré ; ça fait mal. C’est réglé avec une seule injection d’antibio au Cegidd. Et à chaque fois qu’on vient nous voir pour une IST, on recherche les autres ». Et ils trouvent : les chlamydioses sont ainsi en augmentation. Tout comme des « nouvelles » infections intestinales sexuellement transmissibles par des entérobactéries du tube digestif (on ne vous fait pas un dessin).
Quant à la syphilis, aussi en augmentation, il n’est pas simple de la repérer soi-même en phase « chancre » : « La bactérie, qui est un spirochète en forme de vrille, rentre dans le corps en faisant une marque, qui va s’effacer. Qui peut être externe, mais aussi interne et on peut passer à côté. La syphilis, ça guérit, mais il faut traiter le plus tôt possible ».
Alors, docteure, il faut donc toujours sortir couverts ? « Oui ! On ne le répétera jamais assez. Les préservatifs masculins et féminins, y compris pour les rapports buccaux et anaux, protègent de tout. Il y a toutes les tailles, toutes les matières, tous les goûts ».
Pourquoi est-il aujourd’hui possible de « mettre fin au Sida » ? Les réponses d’une médecin de Moulins
« Si vous allez voir ailleurs, faites les tests ! »
Mais… on sait bien que certains rechignent à mettre une capote : « Si vous avez des rapports occasionnels, mettez-vous sous PrEP, mais ça ne protège que du VIH, pas des autres ! Et en plus, il n’y a pas d’égalité. Pour les femmes, c’est comme la pilule contraceptive, c’est tous les jours, à cause de l’imprégnation hormonale. Pour les hommes, il peut y avoir une PreP à la demande, deux comprimés, minimum 2 heures et maximum 24 heures, avant le rapport sexuel et puis de reprendre un comprimé le lendemain à la même heure et le surlendemain ». S’assurer aussi « d’être bien vacciné contre l’hépatite B ».
Globalement, « si vous allez voir ailleurs, faites les tests, tous les trois mois, c’est un bon rythme. On ne vous jugera pas. Venez. Vous êtes infidèle ? Qu’importe. On ne vous dira pas d’arrêter. On soigne, on accompagne ».
Pour prendre rendez-vous. Le Cegidd est joignable au 04.70.20.88.00. Par mail : sec.cegidd@ch-moulins-yzeure.fr.
Mathilde Duchatelle